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Déplacement de la libido dans la clinique des psychoses

« Je ne sors plus de chez moi » ; « Je passe mes journées sur les écrans » ; « J’ai des problèmes d’addiction » : ces paroles de patients témoignent d’une libido fermée sur le moi du sujet. Ces sujets, que nous rencontrons de plus en plus, sont le reflet du malaise de notre modernité et un thermomètre de la place qui est donnée à la folie dans celle-ci. Force est de constater que la clinique des psychoses s’accroît à mesure que se délite le lien social. Les institutions de la FIPA sont des lieux refuge où un lien social est possible grâce à l’appui du transfert.

Lacan a consacré son enseignement au problème du traitement que pose la clinique des psychoses. Dans son Séminaire Les Psychoses[1], il fait référence à sa conférence donnée à Strasbourg où un auditeur lui demande : « Comment opérez-vous dans les psychoses ? » Lacan répond : « Il faudra essayer de trouver quelques repères, avant de parler de technique, voire de la recette psychothérapique ». La même année, il présente « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose » qu’il formule ainsi – « la conception à se former de la manœuvre, dans ce traitement, du transfert[2] » : la clé du traitement réside dans la manœuvre transférentielle. Celle-ci tient compte de la couleur que prend la relation à l’Autre : persécutive ou érotomaniaque. S’en déduit un postulat dans le traitement des psychoses, où celui-ci est possible à certaines conditions qui touchent à la manœuvre du transfert et que nous pouvons ramasser dans cette formule : se faire docile à la subjectivité du patient. Pour ce faire, il s’agit de se laisser enseigner par ses dires, sans préjugés ni a priori – et on sait combien ils sont tenaces concernant la psychose. C’est une éthique qui tient compte du réel au cœur de notre condition humaine. Ce réel est la conséquence d’un dérèglement fondamental dont pâtit l’être humain, dérèglement causé par l’intrusion du langage sur le vivant en tant que corps – ce dont la science ne veut rien savoir. La science rêve de l’homme-machine, rééducable et reprogrammable. Or la libido ne se rééduque pas. Le réel est ce qui revient toujours à la même place : fixité et répétition en sont la marque de chair. Et là où « la science gagne sur le réel en le réduisant […] au mutisme[3] », elle fait taire le sujet, aggravant sa souffrance et les passages à l’acte. 

Dans les institutions de la FIPA, chaque patient est élevé à la dignité de son histoire et de l’impossible auquel il se cogne dans son existence pour un traitement sur-mesure. Un constat : à mesure qu’un bien-dire se déploie – avec l’appui d’un transfert éclairé – la libido circule et se déplace vers du nouveau, compatible avec la vie. C’est ce que nous découvrirons le 13 septembre ! 

                                                                                                          Fouzia Taouzari
CPCT Nantes


[1] Lacan J., Le Séminaire, livre iii, Les Psychoses, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1981, p. 183.
[2] Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 583.
[3] Lacan J., « Discours de Rome », Autres écrits, Paris, Seuil, p. 136-137.

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