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Bougé du réel – Déplacement de la libido ?

Cette « clinique nouvelle », comme la nomme Hervé Castanet [1], dispensée par les institutions affiliées à la FIPA qui s’orientent du traitement court, pointe la dimension de la contingence liée à celle de la rencontre. Elle offre au sujet la possibilité d’une rencontre inédite avec un clinicien dont la pratique orientée par la psychanalyse lui permet, dans un temps limité de séances, de faire une expérience singulière de la parole. Le sujet qui consent ici à s’inscrire dans cette pulsation temporelle originale se sait engagé par une certaine urgence à dire pouvant induire des déplacements de libido, ce qui n’est pas sans effets sur la pratique du clinicien.  

En effet, ce dernier – souvent confronté à des sujets aux prises avec une urgence subjective qui effracte leur parole, parfois déborde leur corps – se doit d’être « très réveillé » comme l’indique P. Naveau [2], aux aguets d’un réel qui, à tout moment, peut surgir. Orienté par ce réel en jeu qui, pour lui, fait boussole, le clinicien va aiguiser ses interventions, affûter son style, engager sa mise. Il visera, suivant les situations, le point à traiter en priorité, choisira de s’abstenir ou d’intervenir selon ce qu’il est pertinent ou non de faire consister dans la demande pressante du sujet. 

Il s’agit pour lui non seulement de saisir cette occasion, mais aussi de la susciter, d’intervenir avec tact. De solliciter dans un doux forçage ce moment où le symptôme, visé, bousculé par le temps, précipite parfois le sujet dans un dire, qui fait événement, crée la surprise, et ponctue un instant de bascule qui lui permet de repérer sa position dans le réel. Que le réel du symptôme, ici touché, se mette à parler, qu’il prenne la parole : « C’est ainsi que l’inconscient s’articule de ce qui de l’être vient au dire [3] », souligne Lacan dans « Radiophonie ». Le sujet qui consent à cette rencontre peut ainsi serrer pour lui-même un bout de réel et prendre ce virage indiqué par Lacan, qui consiste à prendre un bout de jouissance aux rets d’un appareillage comptable de la jouissance signifiante. Cette opération, qui fait acte pour lui, peut générer un savoir nouveau, dont Lacan souligne la complexité lorsqu’il dit que « faire passer la jouissance à l’inconscient, c’est-à-dire à la comptabilité, c’est en effet un sacré déplacement. [4] »

La jouissance alors prise dans la logique du signifiant, c’est-à-dire dans l’inconscient structuré comme un langage, permet par la parole de réguler autrement le flux de la libido, de tresser un nouage inédit, où le sujet s’étoffe de son dire et trouve dans son consentement au réel à donner de l’épaisseur à son être.

Sylvie Mothiron – dispositif PoP [5]


[1] Castanet H., « Mutations libidinales et acte du clinicien », blog de la 6e Journée d’étude de la FIPA, 14 avril 2025.
[2] Naveau P., « Une clinique du point hors ligne », L’Inconscient éclair. Temporalité et éthique au CPCT, Collection rue Huysmans, 2019, p. 43.
[3] Lacan J., « Radiophonie », Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 426.
[4] Ibid. p. 420.
[5] Dispositif PoP, (Psychothérapie d’Orientation Psychanalytique), EPSM, Loiret.

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