Interroger un diagnostic, en demander la validation, sur l’indication d’un pair ou fort du savoir collecté sur internet, est devenu motif fréquent d’appel au psy. Recouvrant tantôt une question subjective, tantôt une perplexité voire une certitude, cette demande de validation est avant tout appel à l’Autre.
Lacan après Freud nous apprend en quoi l’entrée dans le langage se paye d’une perte de jouissance. Une part de jouissance doit être perdue pour être retrouvée dans le lien à l’Autre, et fonder ainsi le lien social 1. L’Autre que propose notre modernité, celui du diagnostic, des neurosciences et du cerveau, exclut tout à la fois la subjectivité et le désir. Pourtant les sujets tentent de s’en servir : pour se faire entendre ; pour traiter des autoreproches ; pour se faire accepter par un Autre trop exigeant… L’appel au diagnostic est ainsi tentative : de se faire une place dans l’Autre ; de localiser l’hétérogène de la jouissance par l’identification, façon d’en faire un symptôme que le moi et aussi bien l’Autre puissent adopter, en évitant toute implication subjective. Mais, sous couvert d’appel au savoir, le sujet désire aussi être pars, être partie, et ce désir d’être partie, d’appartenir à un tout, a à voir avec l’objet 2.
Si accueillir l’effort du sujet pour se loger dans l’Autre nécessite parfois d’en passer par la langue du diagnostic, l’enjeu devient alors : de parcourir avec lui le chemin allant de ce diagnostic à la forme particulière, inhibition, symptôme ou angoisse où se prend sa libido ; de permettre ainsi, non pas une identification mais une symptomatisation a minima du singulier de sa jouissance qui puisse faire amorce pour le transfert. Lacan distinguera deux faces à ce transfert : s’il revient à l’analyste de se faire le support du sujet supposé savoir, il intervient aussi dans l’expérience, avec sa présence. En tant qu’il est supposé détenir l’objet perdu 3, il rend présent cette fonction de l’objet. Sur ce versant, ce n’est pas via l’amour lié à la chaîne signifiante que le sujet s’inscrit dans l’Autre mais via l’objet. C’est sur ce versant que l’analyste peut devenir pour le sujet un nouveau partenaire libidinal, prêt – à la différence de l’Autre de papier du diagnostic – à loger l’indicible de sa jouissance et à en permettre les déplacements.
Ainsi tel sujet se présentant sous le diagnostic de dépression, ne se voyant pas de place dans le monde, et abordant cela de façon très générale, sera sensible au rendez-vous donné pour l’aider à faire face à l’urgence qu’il traversait. Changeant de régime de parole, il fera ce constat : « J’ai été élevé dans la victimisation mais ça rend passif », il pourra alors commencer à se faire responsable a minima de cette jouissance, soit à dire non à ce qui ne lui convient pas, et à se sentir exister.
Danièle Olive, BAPU de Rennes
1 Lacan J., « Petit discours aux psychiatres », 10 novembre 1967, inédit.
2 Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Ce qui fait insigne », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 11 mars 1987, inédit.
3 Laurent É., « Naissance du sujet supposé savoir », La Lettre mensuelle, n° 260, juillet-août 2007, p. 15, cité par Guillot É., « Phénomène et structure du transfert », Ironik, no 33, p. 9.