« Mobilité » désigne le caractère de ce qui peut se mouvoir, changer de place, de position, de ce qui peut à l’occasion changer de visage. Être mobile est une des qualités requises, une valeur ajoutée en matière d’employabilité sur le marché du travail. Depuis peu, offrir à chacun un large choix de mobilités dans ses déplacements géographiques est devenu une priorité nationale. L’idéal de mobilité dans différents champs dévoile l’exigence contemporaine d’adaptation de l’humain à son environnement.
Le CPCT fait accueil à des sujets qui en formulent la demande. Certains d’entre eux sont plongés dans une solitude inhabitée ou dans un isolement synonyme d’enfer comme ce sujet, dont la vie est à l’arrêt depuis qu’il a été relogé : déménagé de l’appartement où la clinique psychiatrique l’avait installé à l’orée de sa vie d’adulte, son monde symbolique s’est désagrégé. Il a perdu l’adresse, qui, nouée à un premier transfert, fondait sa toute première demeure. Le signifiant « psychanalyse » fait signe d’une nouvelle adresse, familière, grâce auquel se renoue un transfert et se resserre le nœud de ce qui s’était défait dans le corps, via un nouveau trajet musée-bibliothèque-CPCT. « CPCT » a valeur d’inscription nouvelle qui sort le sujet de l’isolement et l’inscrit au champ de l’Autre et dans un nouveau circuit pulsionnel qui le mobilise et le soutient. Alors, le corps est non plus morcelé par la langue, mais affecté d’une manière différente, ce qui permet l’écriture d’un autre chemin.
Cerner ce que produit l’effacement de la trace de cette inscription pour un sujet est un repère dans les groupes cliniques au CPCT, là où l’on entend comment des signes discrets de forclusion trouvaient jusqu’alors à se nouer dans une routine.
À la question freudienne qu’est ce qui libidinalise le corps, Lacan fait un pas de plus avec ce que J.-A. Miller a appelé une « biologie lacanienne », à savoir le « corps parlant 1 » et pose la question de comment un sujet se fait-il un corps ? Ainsi, au CPCT, toucher au réel avec les mots mobilise certains sujets : ça fonctionne, ça produit des effets de mutation, de déplacements de la libido et de satisfaction du fait de parler. Pour d’autres, quand la jouissance est trop invasive, ça ne fonctionne pas, le corps n’est pas mobilisable. Une opération préalable de négativation de la jouissance qui déborde le corps est nécessaire, toujours singulière.
Marie-Cécile Marty
1 Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, no 88, 2014, p. 104-114.