Venue avec réticence au CPCT, cette femme annonce très vite : « Les mots me font des choses, me marquent, plus que ne le feraient des coups. » Ces paroles nécessitaient un accueil et une transmission particulièrement précautionneux.
Elle parle de son lien à sa fille qu’elle élève seule : « Je ne peux rien faire sans elle, ni la laisser » ; « Je ne vis que pour elle. » Elle s’oppose aux désirs de relative autonomie de sa fille. Et confie ses inquiétudes à sa propre mère qui les renforce : l’Autre peut être méchant.
Alertée par l’école d’un mal-être de sa fille, elle demande à ce qu’elle puisse être reçue elle aussi au CPCT. La consultante indique que cela n’est pas possible pour le moment : c’est son lieu et sa place à elle. Elle remarque alors : « Ma fille, elle angoisse comme moi, mais elle, elle parle. » Ce qu’elle-même commence à faire au fil des entretiens. Elle découvre qu’elle est « encore une petite fille, un enfant. » Ce qui résonne avec la définition de l’enfant donnée par Jacques-Alain Miller : celle d’un sujet « dont la libido ne s’est pas déplacée des objets primordiaux 1 ».
Quand, suite à son dire, la consultante lui fait remarquer qu’elle fait beaucoup de choses pour sa fille, elle énonce : « Oui, mais pas pour ma vie. » Un changement s’opère alors. Elle écoute davantage les propositions de sa fille, lui laisse plus de latitude, sans plus en référer à sa propre mère. Elle se surprend « à être plus sociable » et à trouver cela agréable. Et elle peut commencer à dire autrement ce qu’elle ne pouvait manifester auparavant que par les cris et la colère.
Lui indiquer et lui faire une place au CPCT lui a permis de trouver sa place. Un double déplacement s’est opéré : un assouplissement dans le nouage de la fixation libidinale à sa mère et un déplacement dans la distance prise dans le lien à sa fille.
Myriam Papillon
Claire Thoyer
1 Miller J.-A., « Développement et structure dans le développement de la cure », La Petite Girafe, no 30, octobre 2009, p. 9.