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Apercevoir l’inconsistance ?

Par Jean-Noël Donnart, Consultant au BAPU de Rennes

Il n’est pas rare que des étudiants s’adressent au BAPU avec un « diagnostic ». Ils présentent ainsi leurs difficultés à partir d’une réponse du type « Je suis ça : hypersensible, TDAH, HPI, non-binaire etc. ». On peut dire que ce sont des « symptômes à la mode [1] » qu’il convient, comme l’indique Jacques-Alain Miller, de « ne pas traiter avec mépris [2] » – ne serait-ce que parce que les étudiants s’en servent pour tenter de parler de leur malaise. Il s’agit pour le praticien de suspendre le sens supposé commun de ces diagnostics prêts à porter, si cela se peut, afin de saisir les coordonnées plus singulières du malaise que peut formuler le sujet. Suspendre le sens commun est toujours un point délicat qui ouvre différentes questions : quel usage le sujet a-t-il de cet autodiagnostic ? La consistance de cette autonomination est-elle seulement imaginaire ou vient-elle désigner le réel d’un point de perplexité ? Est-elle interrogeable, dialectisable etc. ? La manœuvre peut être délicate puisque passer de l’affirmation d’un « je suis ça » à l’énigme d’un « ça veut dire quelque chose », n’est pas sans écho avec le « point panique [3] » qui faisait le sujet « s’effacer, s’évanouir, disparaître derrière un signifiant [4] ». Ce passage relève de l’interprétation.

Dans « Choses de finesse en psychanalyse [5] », J.-A. Miller, rappelant ce que Freud disait de l’inconscient, à savoir qu’il ne connaît pas la contradiction, indique : « impossible d’analyser et d’interpréter sans avoir rapport avec l’inconsistance ». N’est-ce pas cette inconsistance qui est refoulée, voire forclose, dans ces autonominations, ces autodiagnostics qui se veulent fixes, évidents, validés par les réseaux et la science et valables pour le plus grand nombre ?

Suspendre le sens commun de ces évidences tient du pari, au sens d’une mise mais aussi d’un acte, visant à défaire cette vérité supposée toute : que le sujet consente à n’en pas s’en tenir là et supporte d’allonger le circuit de sa parole à partir de la part d’énigme qui lui est propre. La reconnaître, en avoir une certaine intuition, est déjà un aperçu sur l’inconsistance du symbolique. Que l’étudiant consente à supporter ce point vide de la référence et d’en faire quelque chose, est une voie d’amélioration de sa position de sujet.


[1] Miller J.-A. et Laurent É., « L’orientation lacanienne. L’Autre qui n’existe pas et ses comités d’éthique », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 21 mai 1997, inédit.

[2] Ibid. J.-A. Miller discute sur ce point du diagnostic de dépression.

[3] Lacan J., Le séminaire, livre VI, texte établi par J.-A. Miller, La Martinière, juin 2013, p. 108.

[4] Ibid.

[5] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Choses de finesse en psychanalyse », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 3 décembre 2008, inédit.

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