Beatriz Gonzalez-Renou, Consultante à La Conversation thérapeutique
La préparation vers la journée FIPA « Comment améliorer la position du sujet. Effets thérapeutiques, effets analytiques », nous permet de revenir sur le moment où La Conversation thérapeutique a vu le jour et d’en cerner une petite avancée, un effet d’après-coup.
C’est à partir du lien singulier à la psychanalyse qu’une poignée de praticiens ont rejoint Dominique Vidailhet afin de concrétiser la création d’un « Lieu Alpha » [1], avec la spécificité de proposer une temporalité de traitement non fixée à l’avance.
Le temps était venu de trouver un nom à ce lieu. Quels signifiants allait-il porter ? C’est à Jacques-Alain Miller que nous devons le nom de La Conversation thérapeutique. Il résonne aujourd’hui comme une interprétation. Car, de prime abord, ce nom avait de quoi surprendre. En quoi les signifiants : conversation et thérapeutique pouvaient être associés à un dispositif se voulant psychanalytique ? Le terme de conversation ne faisait-il pas plutôt penser à l’opposé d’un traitement psychanalytique ? Et thérapeutique, n’induirait-il pas l’illusion d’un mieux-être issu de ladite conversation, comme par un tour de magie ?
Cela fait maintenant plus de dix ans que cette offre opère. Si les personnes qui s’adressent à La Conversation thérapeutique le font bien souvent orientées par le bouche-à-oreille, d’autres peuvent l’être à travers des dispositifs dits de droit commun. Que pouvons-nous dire aujourd’hui quant à ce nom et les effets sur la demande qu’il suscite ? Quid de ce lieu et des réponses qu’il est possible d’y produire ?
J.-A. Miller souligne ceci : « Les effets psychanalytiques ne tiennent pas au cadre, mais au discours, c’est-à-dire à l’installation de coordonnées symboliques par quelqu’un qui est analyste, et dont la qualité d’analyste ne dépend pas de l’emplacement du cabinet, ni de la nature de la clientèle, mais bien de l’expérience dans laquelle, lui, s’est engagé. [2] » La notion de conversation nécessite une double mise. D’une part celle que produit la demande chez celle ou celui qui prend rendez-vous et qui fera valoir un point devenu insupportable ; que cela prenne la forme d’un incident en apparence banal, ou bien d’un événement traumatique majeur, c’est autour d’un mot sortant du lot, de quelques phrases ayant laissé une empreinte durable et encombrante, que la proposition d’une suite au premier entretien sera faite. L’autre mise est celle de l’implication calibrée de chacun des praticiens au moment d’accueillir chaque demande pour tenter de faire dans la dentelle à partir du tissu signifiant dont est fait le « bavardage » [3] initial qui lui est d’emblée adressé. S’agira-t-il d’un cycle court, long, voire très long ? Continu ou discontinu ? Une temporalité d’ordre logique et non pas chronologique permet une réponse sur mesure dans laquelle le praticien engage son acte.
Ainsi, plus que l’offre d’un lieu fixe implanté dans la cité et d’un lien s’inscrivant dans une temporalité non prédéfinie (telle la signification à laquelle renvoie l’ancien usage du terme conversation), il s’agit plus précisément du lien qu’entretient chacun des praticiens à la psychanalyse qui fait de La Conversation thérapeutique un lieu de psychanalyse appliquée « tourné » vers le discours analytique et ses effets.
[1] Miller J.-A., « Vers PIPOL IV », Mental, no 20, février 2008, p. 186.
[2] Ibid.
[3] Ibid, p. 187.