Dominique Carpentier, Directrice du CPCT Parents de Rennes
L’accueil spécifique au CPCT Parents de Rennes s’appuie sur l’idée que l’éducation des enfants est, comme le dit Freud, un des trois métiers impossibles [1]. Nous entendons pourtant, depuis quelques années maintenant, que l’enfant doit savoir se plier et le plus tôt possible, au « métier d’élève » ! La société toute-entière est donc « au travail » dès le plus jeune âge et se faisant, exige la méthode, le protocole, la façon efficace d’y parvenir. En contre-point à l’impératif de jouissance [de l’objet], toujours en trop, le commandement se fait plus vif encore. Le père comme la mère sont condamnés à un impossible défi, être au « top de leur parentalité ». Cette injonction surmoïque très présente se nourrit de l’idéal et se fait parfois raison de la consultation au CPCT Parents. Améliorer la position du sujet s’appuie sur ce qui fait la différence entre la parentalité et le rapport d’un sujet avec l’enfant dont il se réclame d’être le père ou la mère, le répondant. Sa responsabilité à l’égard de l’enfant, la suppléance parfois nécessaire à sa prise en charge par d’autres, lui revient. Celle de sa « démission » doit être entendue, pour que la singularité de ce qu’il dit offre de nouvelles issues à sa plainte dont est fait le pari qu’elle devienne question.
Vingt ans après Super Nanny (la série dont l’héroïne était éducatrice), la polémique [2] entre « éducation positive », « pratique du time out » et autres « pédagogies de pleine conscience », encombrent les discours, qui ont viré au « tout psychologique », version « tout neurologique » tout autant. De quoi s’y perdre !
L’orientation proposée au sein du CPCT Parents « décentre », autant que faire se peut, le sujet du discours courant, pour l’amener à dire un lien, qu’il peine parfois à exprimer, une « relation fusionnelle » ou un « détachement agressif » à l’objet de son tourment. Invité à préciser ce dont il se plaint lui permet d’entendre son manque (d’autorité par exemple), attribué le plus souvent à son partenaire. Il s’agira alors de bien dire, sans volonté de « bien faire », ce qui n’arrête pas de se répéter dans les injonctions contradictoires dans lesquelles il peut être pris [3]. Notre accueil s’appuie sur le défaut, le ratage de structure dans la rencontre avec l’objet enfant. La demande au CPCT Parents, accueillie par le secrétaire, pivot majeur du pari à prendre pour offrir la possibilité d’une consultation, engage déjà le sujet dans la séparation d’avec l’objet de sa question : il sera reçu seul. La difficulté contemporaine dans la séparation embrouille le lien des sujets entre eux. L’Association pour la recherche en psychanalyse dans le lien social (ARPELS [4]) a fait du CPCT Parents son laboratoire et nous invite à veiller à rester un lieu d’adresse spécifique, sans être spécialisé « dans la parentalité ». Le sujet qui s’est adressé au CPCT parents est invité, par la grâce du transfert à durée limitée, de mettre en jeu ce qui fait sa responsabilité dans l’accueil qu’il peut offrir à son, ses enfants et d’en tirer conséquence.
[1] Cf. Freud S., L’Analyse finie et l’analyse infinie, 1937. Extraits en ligne sur le site de l’ECF https://www.causefreudienne.org/textes-fondamentaux/lanalyse-finie-et-lanalyse-infinie-1937/
[2] Cf. Vespirini P., « Critique du Time out », Le Monde, 18 février 2023.
[3] Cf. Hugues A., « « Parentalité positive », négatif du désir ? », publication en ligne de l’Institut psychanalytique de l’Enfant du Champ freudien, Zappeur, no 17 : https://institut-enfant.fr/zappeur-jie7/parentalite-positive-negatif-du-desir/
[4] ARPELS est l’association des membres de l’ECF de Rennes qui gère le CPCT Parents et par conséquent le représente dans les demandes de subventions.