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Il Graffio

Par Ariane Chottin, Directrice de ParADOxes à Paris

« Repenser l’entrée à partir de la fin ». Comment cette phrase de Lacan, qui concerne la passe, peut-elle éclairer la pratique dans une institution FIPA ? La fin d’un traitement n’y est pas la fin dans la perspective de la psychanalyse pure, elle s’appuie sur la limite temporelle du traitement court. En quoi peut-elle cependant entrer en résonance avec celle évoquée par Lacan ?

Pour l’Autre du social qui, à parADOxes, nous adresse l’adolescent/e, la brièveté du traitement rassure. Dès l’entrée, diagnostics divers et exigences envahissent le vestibule : une « réponse » est souhaitée – « on aura un bilan ? »  La fin annoncée se confondrait-elle avec la fin-finalité, l’horizon à atteindre, ledit résultat, autre nom de « ce poison qui envahit souvent les psychothérapies [1]» ?

L’entrée, c’est d’abord cet écheveau d’attentes et de demandes intriquées. De formulé et d’informulable. La fin du traitement en distinguera les fils, parce que le trajet en aura distingué les langues, les dires et les dits. Qu’un petit bout de savoir en aura jailli. Un peu de séparation. Une nouvelle nomination.

Dès l’accueil, il nous revient de ménager un écart avec la position de gardien de la paix : « La suspicion portée sur la croyance au symptôme, c’est déjà l’invitation à prendre quelque distance avec ce que dit, ce que dicte, ce que détermine la réalité collective [2] ». Proposer à l’adolescent/e une tout autre perspective : un lieu et un lien[3] où il/elle peut se risquer à s’avancer avec ses maux et ses mots pour dire ce symptôme, à distance des savoirs déjà-là, à son pas, chassé, de travers, boitant, dans les équivoques de la langue, ou s’y refuser.

S’il/elle s’y engage, il/elle pourra commencer à saisir le statut de réel de ce symptôme, « de réel comme non-rapport au monde [4]». De ce non-rapport au monde, le monde de l’adolescence bruisse avec ses nouveaux symptômes, rétifs aux thérapies qui font taire ou parler et « ne conduisent qu’au bien-être [5] », déjouant ce qui serait déjà décrit, s’encoignant parfois dans le refus le plus sombre – j’vois pas à quoi ça sert de parler. La proposition de parADOxes est donc affine à cet âge de la vie. L’attention du praticien ménage un creux dans la langue où l’adolescent peut « désenténébrer [6] » sa vie, jouer sa partie, s’en faire sujet. Mais cette attention, de par cette limite si proche, se double dès l’entrée d’une direction vers un resserrage, un point qui fasse appui.

Que nous dit la fin sur l’entrée ? Que « l’adolescence, âge de tous les possibles est avant tout l’âge de la rencontre avec un impossible[7] » dont quelques-unes des coordonnées se découvrent à la fin du traitement. Qu’elle se ponctue d’un goût différent pour la langue, de quelques balises, d’un point qui arrête une déchirure, souvent d’une amélioration de la position du sujet, ou d’autres effets qui s’éprouvent ou passent inaperçus, elle ne clôt rien.

Elle « fait fin », au sens de mettre un terme, provisoire, à ce qui pourra se réengager plus tard. Et cette façon de faire fin en gardant ouverte une perspective au-delà, se soutient pour chaque un des consultants de sa propre analyse, de « il graffio, la griffe qui reste sur le sujet, griffe qui célèbre la perte résultant du passage par le dispositif analytique [8] ». Perte qui tient à distance la furor sanandi et signe son propre lien désirant à la psychanalyse.

 

[1] Cf. Argument journée FIPA « Comment améliorer la position du sujet. Effets thérapeutiques, effets analytiques ».

[2] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Le lieu et le lien », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université de Paris 8, cours du 29 novembre 2000, inédit.

[3] Titre du cours de Jacques-Alain Miller 2000-2001.

[4] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Le lieu et le lien », cours du 29 novembre 2000, op. cit.

[5] Cf. Argument journée FIPA « Comment améliorer la position du sujet. Effets thérapeutiques, effets analytiques ».

[6] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …Ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 53.

[7] Stevens A., « L’adolescence, symptôme de la puberté », Courtil en lignes, janvier 1998.

[8] Baïo V., « Orientation psychanalytique dans une institution pour enfants dits psychotiques », Les feuillets du Courtil, online 2003.

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