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Impliquer le sujet dans ce qu’il dit

Par Solenne Albert, Présidente du CPCT-Nantes

Dans son texte « Psychothérapie et psychanalyse [1] », Jacques-Alain Miller évoque le Dieu Janus, Dieu aux deux visages, celui de la paix et de la guerre. « Le visage que Janus tourne vers vous dépend de l’espace et du temps, il est fonction du lieu où vous êtes, à tel moment et à tel autre. Son aspect inclut votre position à vous. [2] »

Au CPCT de Nantes, lorsque nous abordons le cas, une fois le traitement achevé, avec notre extime Jean Louis Gault[3], cette question est souvent posée : Comment, sur quoi, le traitement s’est-il terminé avec ce patient ? Est-ce une bonne idée de l’inciter à poursuivre ?

Pour tel patient, le dossier du père a été archivé, un point de capiton a été trouvé aux mille questions concernant l’énigme de la jouissance paternelle. « Il est irrationnel, c’est comme ça. » indique un changement de position subjective.

Pour tel autre, craignant de devenir fou, emporté dans le tourbillon des conflits familiaux, il lui est proposé de réfléchir à « mener une résistance contre l’oppression mentale ». Une rectification subjective est produite à partir de cette interprétation primordiale ; l’oppression mentale désignant le phénomène clinique auquel le patient a véritablement affaire. La position du sujet a été améliorée : il a appris les rudiments de la lutte contre le phénomène mental. Il est donc nécessaire de marquer ce gain par un point de capiton, entérinant la fin du traitement au CPCT.[4]

Tel patient se plaint de ne pas trouver sa place dans sa famille – « C’est vous qui ne faites pas de place à votre femme dans votre lit. »  Une coupure pour débusquer la position dans laquelle le sujet se terre, est nécessaire. L’interprétation, en produisant une surprise, permet un changement de position du sujet. « Elle ne brise le discours que pour accoucher la parole [5] ».

Le patient entrevoit derrière le masque de tristesse – inhérent au pathos de l’histoire – le sourire de sa jouissance : celle de rester en position d’enfant pour sa femme.

Avoir présent à l’esprit que le patient ment, que chacun se raconte une histoire teintée de vérité menteuse qu’il va s’agir de découvrir, nécessite, pour le praticien intervenant au CPCT, de se former à se dégager de l’attraction des significations. C’est l’un des enseignements majeurs de la pratique au CPCT. Et c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire, indique J.-A. Miller[6], soulignant cette référence de Lacan dans l’Etourdit : le « tourbillon de sémantophilie [7] » est ce qui emporte les psychothérapies.

L’enjeu de la pratique au CPCT comporte un certain « rejet du sens », voir une « sémantophobie [8] » afin de parvenir à produire des effets authentiquement analytiques. Impliquer le sujet dans ce qu’il dit nécessite de susciter une surprise, une trouée dans la ritournelle des significations.


[1] Cf. Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause freudienne, no 22, octobre 2022.

[2] Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause freudienne, op. cit., p. 7.

[3] Jean Louis Gault est psychanalyste à Nantes, membre de l’ECF et de l’AMP.

[4] Enseignements extraits des Laboratoires du CPCT de Nantes animés par Jean Louis Gault.

[5] Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 316.

[6] Cf. Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée et psychothérapie », La Cause freudienne, no 48, Mai 2001.

[7] Lacan J., « L’étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 494.

[8] Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée et psychothérapie », op. cit., p. 10.

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