Noëmie Jan, Consultante Cercle clinique CMPP de Fougères
Les institutions de la FIPA, les CPCT et plus encore les institutions du champ social, se spécifient d’être des lieux « quelconques » pour les personnes qui s’y adressent. Le mode d’entrée des sujets s’y produit souvent à partir d’une identification à l’intitulé du lieu d’accueil, tels certains CPCT adossés à un signifiant d’appel (CPCT-Parents, CPCT pour les adolescents, etc.) ou via les catégorisations du champ social. Il s’agit plus rarement d’une adresse à une institution orientée par la psychanalyse.
Premier temps
Ainsi, l’interprétation branchée sur le discours du maître social rend muette celle du sujet. Ce premier temps d’accueil peut ouvrir sur deux versants : psychanalytique et thérapeutique. L’un peut-il subvertir l’autre ? « La psychanalyse en tant qu’appliquée au symptôme [1] », comme le souligne Jacques‑Alain Miller, comporte le risque d’une pente au thérapeutique pour répondre à la demande de guérison. Cela nécessite une vigilance à ce que « la psychanalyse appliquée à la thérapeutique reste psychanalytique et qu’elle soit sourcilleuse sur son identité psychanalytique [2] ». Dans une époque où les diagnostics prêts-à-porter abondent, comment se servir de cette « objectivation du symptôme […] inscrit dans une politique d’identification [3] » pour s’en passer ?
Cheminer dans les nominations
Ainsi, une jeune fille se présente au CMPP après l’échec de plusieurs thérapies : les « petits conseils ne servent plus » et elle remarque que lorsqu’elle « va mieux, après c’est pire ». Au fil des séances, elle égrène une série de diagnostics prélevés sur les réseaux – dépression, phobies, hyperphagie, émétophobie, TCA, etc. ; tentative de faire passer au signifiant le battement entre des comportements tantôt privatifs, tantôt excessifs, tous sous le signe d’une désinsertion sociale majeure.
Prendre au sérieux son effort répété de nommer ce qui l’envahit et lui échappe comme autant d’« impossibilité de traduction de [sa] jouissance [4] » a été une voie pour interroger l’essaim des classifications de l’Autre dans lequel elle tente d’inscrire son symptôme ; manière de s’intéresser « à la relation du sujet au signifiant » pour viser son énonciation.
Vers un effort de traduction
Petit à petit, certains signifiants ont pu s’extraire : ceux qui déclenchent ses pensées noires, « le regard », « le jugement » et ceux qui les désactive, le « calme » de la nuit. L’isolement de ces signifiants a permis de tempérer les impératifs du discours normativant et d’obtenir des pauses dans ses pensées envahissantes. Elle poursuit son effort de traduction en cherchant un diagnostic sur-mesure. Récemment, elle a cerné le « silence » comme index de sa position – mais aussi lieu, en réserve, de l’inconsistance de l’Autre.
Travailler avec les signifiants du maître moderne proposés par le discours de la science peut servir à s’approcher des « bascules du régime de l’Autre [5] », en interrogeant ses classifications. Viser l’inconsistance de l’Autre peut-il être une voie qui permette d’améliorer la position du sujet dans son rapport au symptôme en tant qu’il « connote la relation du sujet au signifiant » ?
[1] Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie », La Cause freudienne, no 48, mai 2001, p. 23.
[2] Ibid., p. 8.
[3] Briole M.-H., « L’exigence du symptôme dans le réel », La Cause freudienne, no 48, op. cit., p. 4.
[4]. Laurent É., « Symptôme et nom propre », La Cause freudienne, n° 39, mai 1998, p. 28.
[5]. Ibid.