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Navigare necesse, vivere non necesse

Christophe Delcourt, Président du CPCT-Champagne Ardennes


Si l’on s’en tient aux définitions, la position est au croisement des coordonnées spatiales et des constructions défensives. Valable pour tout sujet. Nos amis phocéens savent bien que pour garder le cap il faut avoir des amarres dans un port et un savoir-faire en matière de nouages. Aujourd’hui, ça navigue en tous sens, avec ou sans permis, assurance, à la voile ou au moteur. La mer n’est pas une piscine, collisions et naufrages assurés. Ça remplit les urgences. Et puis il y a ceux qui dérivent, mal équipés, pas entourés, perdus. Le CPCT, c’est un peu la S.N.S.M.[1] de la cité. De ceux qui s’y connaissent en tempêtes et naufrages et décident de sortir par tous temps pour secourir les sujets perdus. La différence majeure est que, s’il s’agit de bénévolat éclairé, ça n’est pas de la bienfaisance publique. Si le CPCT garde le cap de l’orientation lacanienne depuis plus de 20 ans, c’est qu’il est solidement amarré à des principes[2] qui font son efficace pour les sujets qui continuent de s’y rendre toujours plus nombreux. Les collectivités locales ne s’y trompent pas qui financent au long cours en se moquant bien des critiques acerbes contre la psychanalyse.

Être en analyse, en contrôle et inscrit à la Section clinique sont les conditions pour travailler au CPCT qui n’est pas « un lieu d’écoute de la parole qui fait du bien », mais un lieu de traitement, de formation et de recherche inscrit dans la durée. Accueillir c’est tenter, pour ces praticiens en formation, d’améliorer sa position de sujet au regard du désir de l’analyste c’est-à-dire, dans cette pratique inédite, de soumettre après-coup l’examen de son acte à quelques autres. C’est améliorer sa position pratique, clinique et théorique au regard de l’évolution de la clinique dont les institutions de la FIPA sont un observatoire sûr. C’est avoir la chance d’être seul face à son acte, mais avec quelques autres. C’est présenter son travail à des extimes, collègues expérimentés venus avec enthousiasme d’autres régions. C’est tenter d’éclairer les coordonnées de son acte. Le CPCT est un work in progress, un travail toujours remis sur le métier qui porte à l’enthousiasme.

Pour la plupart de ceux qui consultent, la particularité de cet accueil est inédite. Ils se présentent désarrimés, désorientés, marqués du sceau de l’inconsistance de la parole qui spécifie notre époque[3]. Ils sont les laissés pour compte d’un système sanitaire et social désorganisé, désorienté et débordé, quelle que soit la bonne volonté de ses membres. On ne mesure pas le nombre de celles et ceux laissés ainsi à la solitude de leur souffrance tant la dimension clinique s’absente des lieux d’accueil et de soins. Mais très vite au CPCT, la question du sujet consubstantielle à notre orientation creuse un espace de parole qui déplace les formules convenues et laisse du temps au silence. Les sujets témoignent très souvent de l’effet d’ouverture de cet accueil. Ce premier accueil a valeur d’admission produisant une dimension performative. Les premières élaborations de l’équipe A, le cadre de la transmission et les reprises au fil des séances ajustent le cap. Le sujet de la sortie n’est pas celui de l’entrée. Dans les meilleurs cas, cela peut s’inscrire dans la dimension du temps logique. Mais souvent, un simple mot de conclusion permet au sujet de choisir la suite à donner à sa parole découverte.


  • « Naviguer est nécessaire, vivre n’est pas nécessaire » …parce que cela commande la survie de Rome. Devise de Pompée reprise par les marins de la Hanse.

[1] Société Nationale de Sauvetage en Mer

[2] Les CPCT sont de l’ECF, conditions d’entrée de l’accueillant(e) énoncées au paragraphe suivant, aucun critère de sélection des patients, mais une ou plusieurs consultations avec un membre de l’équipe dite A (analystes expérimentés) afin de décider de ce qui peut être ou non traité au CPCT, traitement limité à seize séances, anonymat possible, réunions régulières de présentation et de reprise du traitement en cours, réseau d’orientation raisonnée avant ou après traitement,  statistiques anonymisées aux financeurs publics selon une grille élaborée au sein de la FIPA et valorisant la clinique analytique, séparation de la fonction administrative (président-e) des fonctions d’accueil animées par le(la) directeur (trice). Si l’accueillant(e) est invité(e) à exposer son désir d’y entrer, il n’a pas à justifier son départ.

[3] Dès ses débuts, au CPCT, l’expression de « précarité symbolique » a surgi.

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