Margaux Mathieu, Secrétaire au CPCT-Aquitaine
Consulter au CPCT implique d’appeler la secrétaire pour prendre rendez-vous ; c’est de cette place que j’écris ici. L’accueil au téléphone est une expérience clinique d’un accusé réception : celle d’une première élaboration de ce qui fait symptôme, de ce qui fait point de difficulté, de souffrance.
Au premier appel, la demande est généralement : « J’aimerais avoir un rendez-vous », à l’époque où il est possible de prendre rendez-vous en un clic sur des plateformes. Dès l’accueil au CPCT il y a une recherche de rendre la demande singulière en faisant préciser au sujet ce qui l’amène. La prise de rendez-vous essaie de produire une articulation, un S2, la possibilité de produire du sujet.
Il arrive qu’un sujet soit embarrassé pour dire ce qui lui arrive au téléphone, a contrario la demande peut aussi prendre l’allure d’un premier entretien avec des interrogations déjà formalisées.
Vouloir en savoir plus sur les coordonnées singulières de la demande amène des effets de surprise. La différence entre écouter et entendre autre chose derrière ce qui est dit produit parfois un acte, une réponse sur la position du sujet ; tel cet homme qui parle du traumatisme de son conjoint pour expliquer ce qui l’amène. Ce que j’entends à travers ce qui est dit, c’est la place d’où parle le sujet. Ce rendez-vous est-il pour lui ou pour son conjoint ? Cette question permet d’opérer un premier décalage : il énonce aussitôt qu’il souhaite venir parler de son impuissance face à son ami et trouver une solution pour se protéger.
Certains sujets se présentent identifiés sous un diagnostic venant de l’Autre médico-social (dépression, burn-out, PTSD, haut-potentiel, etc.) ou sous une nomination extraite de signifiants contemporains (harcèlement, hypersensibilité, etc.), comme si ces dico contemporains faisaient signe, diraient la Chose, mais par là même boucheraient toute possibilité de parole autre. C’est alors ma question sur ce qui les amène vraiment qui peut les surprendre et produire un premier écart sur ce qu’ils disent de leur être.
Souvent les appels au CPCT arrivent après qu’il y ait eu plusieurs tentatives thérapeutiques prises dans la série du bien-être : sophrologie, TCC, EMDR, sexologie, etc.
Il y a aussi ces personnes qui demandent un rendez-vous, revendiquant un démarrage des séances le plus tôt possible et qui ne se présentent pas à la première consultation…La réponse à l’urgence a-t-elle été trouvée ailleurs ? Ou bien l’accusé réception a-t-il eu un effet ? Ou alors ce qui a nourri l’urgence était-il momentané, intermittent ? Quelles qu’en soient les variations, répondre à l’urgence peut participer à ravaler la demande sur le besoin : besoin de consommation pris dans la série des psychothérapies. Au CPCT, ce qui oriente, c’est le désir de celui qui écoute, qui entend, afin de laisser place au désir du sujet.
L’accueil téléphonique au CPCT est une pratique orientée par la psychanalyse où chaque sujet est rappelé, où une orientation est proposée. Cet accueil n’est pas un secrétariat de réponses administratives et il s’agit d’essayer de faire entendre l’accueil de la singularité. C’est déjà une écoute entre les lignes selon ce qui est amené (silence, pleurs, intonation de la voix, phrases très lentes, etc.) et cet accueil permet d’orienter celui qui écoute. Ne pas comprendre laisse ainsi la place à une éventuelle réponse-surprise.