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Un au-delà du thérapeutique

Frédérique Bouvet, Consultante Cercle clinique de Laval

Freud se méfiait des effets thérapeutiques rapides en début de traitement qui ne sont pas toujours liés à une cause. « Il y a un trou, et quelque chose qui vient osciller dans l’intervalle. Bref, il n’y a de cause que de ce qui cloche [1] ». Qu’entendons-nous par thérapeutique dans notre champ ? « L’analyste ne peut promettre ni le bonheur, ni l’harmonie, ni l’épanouissement de la personnalité, dans la mesure où il vise au-delà du principe du plaisir. Et il peut à l’occasion promettre de mettre au clair le désir du sujet. Et d’aider à déchiffrer ce qui insiste dans l’existence. [2] » Si Lacan ne dément pas le thérapeutique, il interroge « notre rapport effectif avec le désir de bien faire, le désir de guérir [3] » qui est de nature à nous fourvoyer. Il prône plutôt « notre désir comme un non-désir de guérir [4] ». Cette position peut permettre par exemple de débusquer avec tact, une pulsion de mort à l’œuvre chez un patient, cachée derrière une demande de guérison.

Ainsi telle mère s’inquiète pour son fils bientôt majeur, reçu au Cercle clinique de Laval [5]. Elle a peur qu’il se laisse entraîner et qu’il en arrive un jour, à tuer quelqu’un. S’étonner, introduire une coupure dans son dire, lui permet alors de réaliser qu’elle projette le pire pour son fils « alors qu’elle ne veut que son bien ».

Tel adolescent évoque dès le premier entretien, le phénomène hallucinatoire auquel il a affaire depuis de nombreuses années et dont il n’avait jamais parlé auparavant. Les voix disparaissent rapidement. Pour son père, le problème est réglé ; plus besoin de venir. Se décaler de la demande parentale et proposer un rendez-vous, un mois plus tard, va permettre à ce jeune homme de formuler sa propre demande et de parler de son isolement qui le fait souffrir. Il s’est agi d’aller au-delà du thérapeutique.

La psychanalyse d’orientation lacanienne est subversive. « Elle consiste à situer son acte au-delà de la différence du bien et du mal […] L’analyste est neutre par rapport à toute définition du bien qui viendrait de l’Autre. Le neutre désigne une zone d’inconnue qui reçoit son sens, non pas de l’Autre, mais de ce que le sujet en fait [6] ». Le praticien prend position. Il préserve la place d’une certaine neutralité. Il vise à humaniser la jouissance soit en la référant à l’inconscient et au malentendu, soit en invitant un sujet à rechercher un point d’ancrage pour mettre à distance ce qui le met à mal et éviter ainsi un passage à l’acte [7]. Des actes analytiques produisent alors des effets thérapeutiques dans différents champs.


[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 25.

[2] Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause freudienne, no 22, octobre 1992, p. 12.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1986, p. 258.

[4] Ibid.

[5] Le Cercle clinique est constitué d’une partie des praticiens du CMPP de Laval, orientés par la psychanalyse d’orientation lacanienne.

[6] Malengreau P., « Le neutre et le thérapeutique », La Cause freudienne, no 61, mars 2005, p. 59-60.

[7]. Cf. Malengreau P., « Le neutre et le thérapeutique », op.cit., p. 60.

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