Valentine Dechambre, Directrice du CPCT Clermont-Ferrand
Lors de la journée casuistique de la FIPA en 2016, Jacques‑Alain Miller proposait d’appliquer la référence clinique de la « rectification du sujet » à « la rectification de jouissance », affine à la clinique contemporaine du parlêtre.
Cette indication nous rappelle comment, sous son impulsion, la création des premiers CPCT au début des années 2000 s’est faite sur le pari d’une pratique post-joycienne de la psychanalyse, qui, au-delà du discours de l’inconscient, prend le point de vue du symptôme sur son versant de réel.
En réponse aux pratiques suggestives et autoritaires des TCC qui entendent guérir en quelques séances le « ça ne va pas » à coup de « confiance en soi », d’injection de sens, il s’agit au contraire pour la psychanalyse, de maintenir ouvert le trou produit par l’évènement de jouissance – ou de le recouvrir selon la structure – ainsi que l’énigme à laquelle un sujet s’est trouvé confronté, avec le pari fait sur la trouvaille d’une solution singulière.
C’est « dans la béance de ce malentendu que se développera autre chose qui aura sa fécondité [1] », pouvait dire Lacan dans le Séminaire IV. À elle seule, la position du clinicien orienté par la psychanalyse, qui ne sait pas d’avance ce qui arrive à un sujet et ne veut tenir ce savoir que du sujet, a un effet cathartique, de réveil, par la voie de cette implication nouvelle trouvée dans l’énonciation, avec la surprise de solutions déjà là. « On le sait, soi. [2] », dit Lacan dans la « Préface à l’édition anglaise » du Séminaire XI.
Une ouverture faite à un « voyage dans sa propre originalité [3] », qui fait l’expérience inouïe d’un traitement par la psychanalyse, « en tant qu’il n’est pas possible d’imaginer ce qui va se passer [4] » pouvait dire J.‑A. Miller.
C’est « ce qui nous donne une chance de poursuivre, mais pas sur le chemin […] que vous avez déjà frayé [mais plutôt en considérant] les mêmes choses sous un autre angle [5] » indiquait-il dans son cours Un effort de poésie.
Ainsi pour cette patiente, à l’allure effondrée quand elle se présente au CPCT, qui glisse : « il faudrait que je trouve un pont pour retrouver la petite fille débrouillarde que j’étais ». « Allons-y » lui répond la consultante d’un ton décidé, provoquant l’étonnement et le réveil de la patiente pour qui sa rencontre au CPCT aura un effet salutaire d’allégement.
Nous dirons qu’au CPCT, la visée d’une rectification de jouissance éclaire pour nous ce qui peut être obtenu d’un traitement de psychanalyse appliquée à la thérapeutique, en maintenant ouverte la voie de la surprise et de l’invention pour faire avec l’incurable.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre IV, La Relation d’objet, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 341.
[2] Lacan J., « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 571.
[3] Miller J.-A., « L’invention psychotique », Quarto, no 80/81, janvier 2004, p. 11.
[4] Miller J.-A., « L’expérience d’une analyse », 30 septembre 2010, disponible sur Miller TV.
[5] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Un effort de poésie », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 5 février 2003, inédit.