spot_img

Comment ça se déplace ?

Pour Freud, c’est au gré des variations du lien entre la libido et ses représentations que sont appréciés les déplacements, en particulier dans leurs conséquences symptomatiques. Alors que l’associativité (hystérie), la similarité (obsession), la causalité (paranoïa) donnent les principes d’une certaine économie, l’insuffisance (angoisse), la perte ou le manque (mélancolie), l’excédent (défense), la fixation (caractère) de la libido spécifient une dynamique des déplacements qui s’ordonne selon une intensité propre au point de vue métapsychologique.

Le déplacement s’aborde de façon complémentaire si l’on considère ce qui le fonde, à savoir la notion de place. Celle-ci implique à la fois le lieu, envisagé selon la position (l’ordinal), mais aussi l’espace, comme le théâtre d’une action par exemple. Lacan s’est employé à développer ces deux dimensions en ayant recours respectivement aux figures de la métaphore et de la métonymie. Pour la première, par le jeu des substitutions qui produisent un enrichissement de la signification, le déplacement dans le symbolique donne la mesure d’un gain de satisfaction qui rend difficile l’abandon du symptôme. D’où la question cruciale pour le clinicien de savoir comment ne pas contribuer à l’« effet d’ébriété [1] » que génère le franchissement de la barre d’où opère l’émergence d’une signification nouvelle, la production nourricière d’une signification « en plus ». 

Si la métonymie a pu être considérée comme une perte au regard de la signification [2], sa contribution au déplacement prend une valeur très originale à partir de « Radiophonie ». Elle opère « d’un métabolisme de la jouissance [3] » – c’est-à-dire d’un déplacement qui, certes, est un changement (métabolê), mais ne renvoie plus à l’ordinal – pour s’appliquer en fin de compte à la notion locale de voisinage. Cela devient un déplacement dont la structure est celle du continu tandis que les phénomènes sont à lire au prisme de la déformation et non plus de la métrique. La métonymie comme Verschiebung, c’est du signifiant qui garde une proximité de jouissance avec ce qui a disparu. « Ça fait passer la jouissance à l’inconscient, c’est-à-dire à la comptabilité [4] ». Par ce passage, la jouissance peut commencer à compter, être prise en compte, ce qui, dans le champ de la clinique, peut être « un sacré déplacement [5] ».

Bernard Lecoeur


[1] Lacan J., « L’instance de la lettre dans l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, p. 507.
[2] Ibid.
[3] Lacan J., « Radiophonie » Autres écrits, Paris, Seuil, p. 418.
[4] Ibid., p. 420.
[5] Ibid.

Quand l’Autre est rompu, quels déplacements ?

Le ventre de Jules s’est mis à faire du bruit. Il a eu l’idée que toute la classe l’entendait et a dû partir. Un réel...

Prendre la parole

En acceptant de déplacer son corps jusqu’au CPCT, l’adolescent en souffrance cède un tant soit peu sur sa jouissance à rester dans son univers,...

Du mythe lacanien de la libido

Freud estimait que les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination. Évoquant cette dimension mythique de la théorie freudienne des pulsions, Lacan...