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Du jeu d’enfant au fantasme adulte

Première nouvelle du dernier recueil de Yôko Ogawa, « Des ailes avec des empreintes de doigts [1] » recèle une portée allégorique comme cette autrice majeure sait si bien en manier la structure. Elle illustre ce que Hervé Castanet désignait par les « mutations libidinales [2]».

Juchée sur une boîte à outil retournée, « la petite fille sait que les quelques centimètres qui séparent le haut du sol créent un espace […] qui la met hors de portée des humains [3]». Dans ce « monde de fantaisie, qu’il prend très au sérieux [4] », l’enfant compose simultanément avec « l’objet en bois vermoulu [5]», rebut devenu piédestal, le vide qui garde en son sein le souvenir de sa mère décédée. Le lecteur rencontre une petite fille sans parole, mue par ce jeu en court-circuit. En contrechamp intervient la couseuse qui, alors que la petite a grandi de quelques années, l’emmène voir une représentation de La Sylphide. C’est pour la petite un choc, « captive du spectacle au point de ne pas cligner une seule fois des yeux[6] ».

Cette rencontre opère comme un ravissement et délie la langue de la petite taciturne. Elle engage alors une correspondance épistolaire avec la Sylphide, dans laquelle la couseuse occupera une place de dupe. Dans cette mutation du jeu du corps à celui de l’écriture, de l’enfance à son après, le lecteur suit le fil de ce Jacques-Alain Miller mettait en valeur dans sa lecture de Freud : « Dans la vie psychique, nous n’abandonnons jamais rien […] nous substituons toujours. Là où l’enfant joue, l’adulte fantasme [7]».

Guillaume Darchy


[1] Cf. Ogawa Y., « Des ailes avec des empreintes de doigts », Scènes endormies dans la paume de la main, Arles, Actes Sud, avril 2025.
[2] Castanet H., « Mutations libidinales et acte du clinicien », blog de la 6e journée de la FIPA, 14 avril 2025, disponible en ligne.
[3] Ibid, p. 7.
[4] Freud S., « Le créateur littéraire et la fantaisie »,  L’Inquiétante étrangeté et autres essais, Paris, Folio, 1985, p. 34.
[5] Ibid, p. 7.
[6] Ibid, p. 16.
[7] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Du symptôme au fantasme, et retour », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, leçon du 24 novembre 1982, inédit.

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