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Du mythe lacanien de la libido

Freud estimait que les pulsions sont des êtres mythiques, grandioses dans leur indétermination. Évoquant cette dimension mythique de la théorie freudienne des pulsions, Lacan livre son propre mythe de la libido, ou mythe de la lamelle. 

Dans le chapitre du Séminaire XI intitulé par Jacques-Alain Miller «  La sexualité dans les défilés du signifiant », Lacan rappelle que la division sexuelle règne sur la majeure partie des êtres vivants en assurant la survivance de l’espèce. Cette division sexuée est corrélative de la mort des individus, car quelque chose se perd dans la reproduction sexuée. C’est cette part perdue du vivant liée au sexe et à la mort dont il s’agit dans le mythe inventé pour représenter la libido comme un organe irréel. 

Ce mythe débute par l’œuf d’un individu vivipare et cet œuf qui se développe dans un ventre est dépourvu de coquille. Disons pour simplifier qu’il s’agit ici d’un embryon humain. À la naissance, quand le cordon ombilical est coupé, le nouveau-né ne se sépare pas du corps de la mère, il se sépare du placenta comme organe temporaire lui ayant permis d’évoluer durant la gestation. 

Lacan nous prie d’imaginer qu’au moment de se rompre, au lieu d’être jetée avec d’autres déchets chirurgicaux, cette membrane de l’œuf s’envole. Cet organe qui s’échappe comme le ferait un fantôme, il lui donne le nom de lamelle. La lamelle est extra plate, elle passe partout, elle se faufile sous les portes, elle se colle à notre visage pendant que nous dormons. Pour le dire autrement : la lamelle évolue à la façon d’un alien inquiétant, sans limite ni barrière symbolique, rien ne l’arrête. Elle correspond non seulement à ce qui se perd à la naissance, mais c’est, nous dit Lacan, ce que l’être sexué perd dans la sexualité, à savoir cette part du vivant perdue à jamais d’être soumis à la reproduction sexuée. 

La lamelle est le nom de la libido lacanienne définie comme « un pur instinct de vie, c’est-à-dire de vie immortelle [1] ». C’est la pulsion qui n’a pas besoin d’avoir un corps, «  une vie simplifiée et indestructible [2] ». Lacan précise encore que les objet a sont des représentants de la libido, qu’ils ne sont pas eux-mêmes cette vie indestructible, qu’ils en sont des figures. Les objets a, sein, fèces, regard et voix, sont des objets cessibles, part de lui-même dont le sujet s’est séparé de façon irrémédiable.

En inventant ce mythe de la lamelle, Lacan rend palpable les déplacements de la libido. Il s’agit d’une fiction destinée à nous faire saisir, sous une forme discursive, un réel indicible par d’autre moyen. 

Laura Sokolowsky


[1]. Lacan J., Le Séminaire, livre xi, Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1964, p. 180. 
[2]Ibid.

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