Par Annie Ardisson, Consultante au CPCT-Antibes
« J’ai un TSA ». Ainsi se présentent désormais nombre de jeunes sujets venus toutefois interroger leur malaise. Nantis du précieux diagnostic, questionnaires et bilans idoines à l’appui, il s’agit d’abord pour eux de faire connaître et respecter les troubles dont ils se réclament : perturbations des interactions sociales, stéréotypies motrices simples, intérêts particularisés pour certains détails, pour les chiffres, angoisses sociales…
« Le symptôme, sa manifestation, sa formalisation, le goût d’une époque ont toujours un tour d’avance [1] » et ce qui interpelle le clinicien soucieux de la position du sujet est, au-delà de l’insistance de ces assertions, le soulagement qui s’y associe.
L’aphorisme lacanien Tout le monde est fou peut être interprété comme partie prenante dans ce phénomène couramment identifié comme dépathologisation de la clinique, dit Jacques-Alain Miller [2]. Le diagnostic ne doit pas être ségrégatif, il est démocratisé, accessible, normativisé en somme. Il a droit à son marché et un choix varié d’objets de stimulation sensorielle pour autistes est disponible sur les sites de vente en ligne. En lieu et place des pathologies, des styles de vie qui s’affirment et semblent librement choisis, « le droit l’emporte sur le tordu [3] », substitution du principe juridique au principe clinique. Le suprématisme clinique est d’hier, place aux réseaux où chats et informations promulgués sur les plateformes par des « personnes ayant des intérêts similaires » valident si besoin la nature d’un phénomène, voire le traitement proposé.
Retour dans le réel du sujet forclos de la clinique, le patient a le clinicien à l’œil. Mais il est des positions moins triomphantes, quand le florilège des descriptions de troubles ne sème que perplexité et angoisse chez le sujet pas plus en mesure de s’y identifier qu’il ne l’a été à quiconque. L’acharnement à parfaire le diagnostic ne fait alors que révéler davantage son statut d’objet a.
Améliorer la position du sujet, c’est permettre une distance avec cette position, ce peut être aussi creuser sa marque singulière dans cette clinique de pairs, subvertir la discorde avec l’Autre, donner place à une faille là où une validation est cherchée, sur la plateforme « Discord ».
[1]. Zuliani É., « Faire institution au temps de l’Autre qui n’existe pas », disponible en ligne
[2] Cf. Miller J.-A., « Tout le monde est fou », Présentation du thème de l’AMP 2024, Paris, avril 2022, La Cause du désir, no 112, novembre 2022, p. 48-57.
[3] Ibid., p. 50.
