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« Motifs rythmiques de l’être »

Renée Samouël, Consultante à ParADOxes Paris


Pendant des années, j’ai travaillé en institution, où j’ai essayé d’œuvrer pour que l’orientation analytique soit présente là où souvent il était question d’obtenir des effets éducatifs appuyés sur le concept « vacillant [1] » de guérison et de retour à la norme. Occuper la place de consultante à ParADOxes m’a permis de m’orienter d’une éthique partagée pour soutenir l’avènement d’une demande singulière dans une institution où « la psychanalyse appliquée à la thérapeutique reste psychanalytique [2] ».

À ParADOxes, le consultant laisse la place au sujet et ponctue à partir de ce qu’il entend. Son attention orientée peut faire rencontre. Pendant les premières séances, se dessine une façon singulière d’accompagner chaque adolescent. Un style, une modalité, qui ne se laisse repérer que dans l’après-coup ; un temps pour se mettre au diapason du sujet, comme le temps qu’il faut, quand on regarde un tableau, pour qu’il nous apparaisse, pour qu’il se laisse voir.

Quelque chose s’invente, qui tient au « tact » du consultant. C’est du « sur-mesure ». Les échanges dans les cartels cliniques, les réunions d’équipe et les temps d’écriture sont essentiels : autant d’appuis qui ravivent la question posée par chaque cas, sans retirer au consultant sa solitude. S’enseigner de ces petits bougés qui se lisent dans ce qui s’entend, accueillir le sujet dans son énonciation et trouver à intervenir de façon spécifique, fait jouer un écart.

Ainsi avec une jeune patiente persécutée par les paroles entendues, proposer un léger décalage dans une « traduction » qui prendra la forme d’un « ça pourrait aussi vouloir dire que… » va en alléger la prégnance. Avec une autre jeune fille, éviter de la relancer avec des questions, reprendre quelques énoncés en disant « on… » a permis que s’installe progressivement une conversation. Ce « on », dessinant un lien discret avec la consultante, a eu un effet d’apaisement dans l’espace de la séance. Effet devenu lisible lors de l’écriture du cas.

Se laisser étonner et étonner peuvent faire signe au sujet et mettre en suspens cet appel, incessant, qui tire toujours vers le même. Accueillir « en l’état » contredit le bon sens ou la promesse de visées thérapeutiques et ouvre l’espace à une mise au travail via le transfert. Ce dernier invite à prendre le risque de faire un pas de côté pour laisser se dire ce qui est bien là, et que l’on ne (re)connaît pas. Cette attention à ce qui résonne dans l’après-coup d’un certain savoir disponible, anime quelque chose du désir du consultant et contribue à préserver le vivant dans l’expérience.

C’est là que cette résonnance crée l’effet de surprise : ce qui paraissait si bien ficelé, qui constituait une plainte recevable, laisse alors entrevoir la part que le sujet prend à son malheur – petit bougé dans sa position subjective. Ce petit bougé ne peut avoir lieu que dans l’écart que la psychanalyse appliquée à la thérapeutique maintient et qui peut conduire à « améliorer la position du sujet [3] » de façon inédite.


  • Mallarmé S., Crayonné au théâtre, éd. La Pléiade 1945, p. 345.

[1] Lacan J., « Variantes de la cure-type », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 324.

[2] Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie », La Cause freudienne, no 48, 2001, p. 8.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 70.

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