Par Cécile Wojnarowski, Consultante CPCT-Rennes
Avec le Séminaire x, Lacan suit la voie de l’angoisse pour reprendre ce qu’il en est de « la fonction de l’objet, de l’objet du désir nommément [1] » en tant qu’il est inconnu et qu’il n’est pas résorbable dans la demande, celle de guérir aussi bien. C’est par la voie de l’angoisse, comme problème clinique, que Lacan interroge ce qu’il en est de l’expérience analytique, en tant que celle-ci se situe en-deçà de la connaissance et vise une faille dans le savoir.
Lacan reprend ce qui a pu être interprété comme dédain de la question thérapeutique quand il a affirmé que « la guérison venait par surcroît [2] ». Il précise que cet énoncé vise le plan méthodologique, étant entendu que « notre justification comme notre devoir est d’améliorer la position du sujet », formule qui fait le titre de la prochaine Journée de la FIPA.
Sans doute que l’expérience des CPCT et des autres institutions de la FIPA est à même d’interroger au mieux ce qu’il en est de la guérison et de dessiner une ligne de partage entre psychanalyse et psychothérapie. En effet, la formation du psychanalyste lui donne un aperçu sur le fait que « le Souverain Bien, il ne l’a pas bien sûr, mais il sait qu’il n’y en a pas [3] ».
La psychothérapie s’appuie sur le savoir-faire du thérapeute, et lorsqu’il s’emploie à guérir, c’est selon un programme préétabli. Ce programme prend toujours appui sur un idéal, une norme qui opère comme surmoi. Le surmoi contemporain est une injonction à être heureux, donc à jouir : jouir des objets de consommation, de son corps, de ses droits… Pourtant, déjà, Freud et les psychanalystes ont buté sur la réaction thérapeutique négative et suivent l’indication de Charcot dans sa thèse de 1857 dans laquelle celui-ci soutient qu’il existe des symptômes qu’il est dangereux de guérir. Il est également des symptômes qui se déplacent et des vérités que le sujet n’est pas prêt à entendre. La psychanalyse invite donc à respecter le symptôme en tant qu’il protège de l’angoisse. La psychanalyse n’est pas une pratique de suggestion ni de domination, mais elle s’appuie sur « le consentement du sujet [4] ».
Est-ce à dire que la psychanalyse néglige les effets thérapeutiques ? Il n’en est rien. Lacan nous invite à articuler les effets thérapeutiques et la question de la vérité, qui ne peut que se mi-dire ou se dire à-côté pour toucher la jouissance qui y est incluse. La rectification subjective suppose l’interprétation, qui ne vise pas seulement la vérité du symptôme, mais sa mise en forme. On peut entendre la proposition d’« améliorer la position du sujet » dans ce sens. D’un côté, les institutions de la FIPA (CPCT, institutions apparentées et Cercles cliniques) mettent les cliniciens au travail du repérage de la logique du cas et des symptômes contemporains, comme dans les autres institutions où ils pratiquent, mais ici dégagés des injonctions du discours du maître. Les cartels cliniques et groupes de travail maintiennent ouvertes la division de l’être thérapeutique et la question du désir. D’un autre côté, pour les sujets que nous recevons, nous visons à isoler les signifiants-maîtres et à desserrer les identifications qui font souffrir le sujet, à limiter un pousse-à-jouir qui fait répétition et parfois, à interroger des significations mortifiantes en prenant appui sur une suppléance qui protège du pire. Nous contribuons ainsi à l’actualisation du symptôme et aux différentes modalités de savoir-y-faire.
Découvrant les pouvoirs de la parole, le sujet pourra éventuellement y avoir recours au-delà du temps limité de l’institution et poursuivre ailleurs ou plus tard.
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2004, p. 56.
[2] Ibid., p. 70.
[3] Lacan J., Le Séminaire, livre VII, L’Éthique de la psychanalyse, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1986, p. 347.
[4] Cottet S., « Latéralité de l’effet thérapeutique en psychanalyse », Ornicar ? digital, no 215, 2002, publication en ligne : https://www.wapol.org.ornicar.215.
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