Sissy Rapti-Escurier, Directrice d’Intervalle-CAP (Consultations et Accueils Psychanalytiques)
Pour des sujets appréhendés comme désinsérés, une amélioration de la position du sujet pourrait pour l’Autre social intervenir via l’accès à un logement ou à un emploi, via une inscription dans la norme.
Est-ce la vocation d’une institution de la FIPA d’« insérer » le sujet en empruntant cette voie ? Et si elle ne le fait pas, l’accueil psychanalytique dans la cité peut-il être considéré comme inefficace ?
Les sujets reçus à Intervalle ont souvent par nécessité, psychique ou administrative, affaire à des interlocuteurs du champ du social au nom de leur « réinsertion ». Pour certains cet anankè se chronicise. Notre visée n’est pas de modifier cela à tout prix, cela peut témoigner d’une stabilisation qui vient rompre l’isolement potentiellement mortifère du sujet.
« L’exigence de la consommation fait semblant de lien social [1] », indique Serge Cottet. Et nous avons l’idée que l’exigence d’insertion pour le sujet dit « désinséré », fonctionne également en tant que semblant de lien social. En effet, une démarche de réinsertion peut venir « borner », même en pointillé, une jouissance illimitée qui conduirait le sujet dans une impasse.
Le sujet qui choisit de venir parler à Intervalle accepte une part de contingence, celle de la rencontre avec un des praticiens dont il ne connaît pas le nom à l’avance. Leur alternance a, pour certains sujets, un effet de coupure. La ponctuation s’effectue lors des entretiens à partir de la valeur qu’un signifiant peut prendre pour le sujet. Elle s’oriente par ce que Jacques‑Alain Miller souligne : « Ce qu’il faudrait, c’est que la psychanalyse appliquée à la thérapeutique reste psychanalytique [2] ».
L’enjeu est de soutenir l’invention du sujet, quelle qu’elle soit, en prenant en compte son énonciation ainsi que sa temporalité. Pour se décaler de l’urgence psychique du sujet reçu dans notre dispositif, où a lieu une pratique à plusieurs, la rigueur d’un travail d’écriture est essentielle.
La construction du cas se fait à partir des notes cliniques prises après chaque entretien. Ainsi, la lecture du cas de chaque praticien est impliquée d’emblée dans l’élaboration qui permet d’extraire la logique du plus singulier de chaque sujet.
Comme le précise Jacques‑Alain Miller, « La psychanalyse est une étreinte avec le particulier, le non-universel, ce qui ne vaut pas pour tous, alors que le discours du maître, renforcé de son pacte avec la science, est sous le régime du “pour tous”. [3] » Il s’agit donc de permettre cet espace autre qu’ouvre le discours psychanalytique, aussi par le biais des institutions de la FIPA, sans répondre à une exigence normalisatrice, ni se soumettre à ce que la pratique de l’évaluation peut ajouter au malaise dans la civilisation.
[1] Cottet S., Séminaire de Recherche dans le cadre du Département de Psychanalyse de l’Université Paris 8, 2005-2007, inédit.
[2] Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie », La Cause freudienne, no 48, 2001, p. 8. Cité dans l’argument de la 4ème Journée de la FIPA, « Comment améliorer la position du sujet ».
[3] Miller J.-A., « Propos sur la garantie », Quarto, no 117, décembre 2017, p. 36.