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L‘ère des post-thérapies

Philippe La Sagna

Nous avons vu que la clinique psychiatrique était prise dans un grand mouvement de dépathologisation. Elle s’accompagne d’une élision de la thérapeutique, comme le confirme l’abandon quasi complet de la recherche thérapeutique dans le monde au niveau des médicaments à visée psy. On ne repère pas tant aujourd’hui une affection ou un diagnostic, mais une souffrance psychique, terme général visant à ne fâcher personne à un moment de l’histoire où le diagnostic a fonction d’insulte : autiste, parano, hystérique, pervers etc… Donc, un des soucis des dernières directives et réflexions du Ministère de la santé est bien « d’améliorer » les conditions de vie et l’inclusion sociale, voire les droits politiques des personnes en difficulté sur le plan mental. La dimension thérapie est, sinon oubliée, du moins mise de côté. On voulait déjà depuis longtemps promouvoir la santé et éviter la maladie en espérant ne pas avoir à la traiter. La traiter n’était pas le plus souvent la guérir, au sens de l’amener à disparaître. Les maladies modernes sont dans nos contrées le plus souvent chroniques et durent le temps d’une vie (lifetime). Spécialement en psychiatrie. D’où le souci contemporain pour la « promotion du bien-être mental ». D’outre atlantique nous vient l’ « espoir » de la réhabilitation psychosociale, associée à l’éducation thérapeutique et à l’empowerment. On ne guérit plus, on se rétablit. Le « levier de transformation » de ce rapport « nouveau » aux malades est le numérique. On ne compte plus les applications proposant un management disease : depuis la gestion de la tendance au suicide, jusqu’à celle de la dépression, des troubles alimentaires ou du burn out. Ces applications sont promues par des startups et bénéficient curieusement de subventions, qui se comptent souvent en millions d’euros, par le ministère. Alliant l’utile (les données de santé et le contrôle des populations) et l’agréable (« bien-être » et autonomie du patient, obtention d’entretiens le plus souvent en ligne et dématérialisés), ces nouveautés sont censées palier, voire se substituer aux institutions soignantes traditionnelles et aux consultations classiques en psychiatrie. On remarque que ce mouvement contemporain représente une sortie relative de l’orientation thérapeutique. Il y a précure et postcure, mais quid de la cure ? On peut dire que l’offre de consultations gratuites, programmée par le gouvernement, chez le psychologue n’est pas non plus à visée thérapeutique. L’expérimentation, par exemple, « Ecout’émoi » vise « à repérer la souffrance psychique de jeunes de 11 à 21 ans n’ayant pas d’antécédent de trouble psychiatrique avéré ». On se demande à qui s’adressent ceux qui présentent ces troubles avérés ? On les retrouve souvent dans les consultations du CPCT ! La plateformisation de la psychiatrie soutenue, par exemple, par « Fondamental » vise plus à identifier qu’à traiter. De même la facilitation apportée aux GEM et « Club house » (Dix millions d’euros/an dans le budget santé) va dans le sens d’un traitement palliatif de la crise de la psychiatrie. Le glissement des diagnostics vers les T.N.D. accomplit le glissement du symptôme vers le handicap ou le désavantage, en oubliant le soin.

On comprend alors qu’améliorer la position du sujet se dit en plusieurs sens dans ce paysage ! La rencontre avec un analyste peut améliorer bien des positions. Et cela va bien au-delà du bien-être, voire de ce qui était saisi comme thérapeutique autrefois. Par exemple, la rencontre avec le discours analytique peut produire un tournant dans la vie. Telle jeune femme, en quelques séances, met en question son alcoolisme et sa boulimie, envisageant une sortie possible de la dévoration de son surmoi. Tel autre, homme mûr, souffre d’une vie dispersée où il cherche à oublier les traumas de l’enfance. Il pourra, en peu de séances, sortir d’une errance médicale hypochondriaque qui rythmait sa vie auparavant. On peut aussi améliorer sa position au jeu, en bourse, ou socialement. C’est un terme subtil, équivoque. L’idée moderne de changer de genre et d’identité succède à la quête éperdue de « position sociale » à l’ère du standing qui régnait au siècle dernier. Améliorer sa position passe souvent aujourd’hui, pour les jeunes adultes, par ne pas céder à la tendance croissante à la sortie du lien social, scolaire ou professionnel, sans perspectives. Mais il ne s’agit pas, pour la psychanalyse » de « rehab » comme dans la chanson mais de reprise du désir, d’aération des contraintes du plus-de-jouir. Oui, le désir est de retour, c’est une solution différente !

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