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Miser sur Lacan

Par Sylvie Berkane-Goumet, Consultante au CPCTMarseille

Dire ses tourments a un effet thérapeutique, mais cet effet est éphémère. Si les traitements courts qui s’opèrent au CPCT obtiennent souvent une amélioration de la position du sujet, ce qu’ils visent ce sont des effets analytiques dont découleront, éventuellement, des effets thérapeutiques durables. Ce lieu d’adresse des symptômes et des souffrances, orienté par l’enseignement de Lacan, est avant tout le lieu de paris cliniques réitérés.

Chaque traitement engage un pari sur le sujet : qu’il puisse repérer a minima la part qu’il prend dans son tourment et, au mieux, qu’il fasse l’épreuve du savoir insu qui l’anime. En effet « les effets analytiques sont des effets de l’ordre de ce retour du discours refoulé[1] » Le pari porte aussi sur l’orientation lacanienne que supporte le consultant : seize séances pour repérer la satisfaction du symptôme, ce qui peut en être déplacé ou entamé sans que l’équilibre subjectif ne soit rompu. Ce pari s’engage ou pas lors de consultations préalables au traitement. Car le oui n’est pas une évidence, un traitement peut ne pas être opportun. Pourquoi ? Parce que le traitement est court ? Est-ce lié à l’intensité de la plainte, aux réalités, parfois féroces, que rencontre le patient, à sa capacité à saisir la part de jouissance de son symptôme ? Bien sûr, mais cela ne suffit pas. Il faut également entendre sa capacité à supporter le désordre que charrie la croyance en l’inconscient. Accepter une entrée dans le dispositif engage la responsabilité du CPCT pour « proportionner les effets analytiques aux capacités du sujet à les supporter. [2] » C’est pourquoi le pari peut viser de tout petits pas, pour les cas les plus difficiles, un léger décalé qui ouvrira une autre perspective. Ainsi tel sujet, coincé dans un présent éternisé, qui se plaignait que « rien ne change », pourra renouer un lien social à la condition de « ne pas faire de vagues », nouvelle formule qui lui permet de s’avancer dans le monde. Pour lui pas de refoulement, mais un inconscient à ciel ouvert qui s’arrime à un signifiant contre le chaos du Réel qui le menace. Cette vignette illustre ce que la psychanalyse démontre : s’adresser à un consultant orienté peut opérer sans guérir l’objet de la plainte en traitant le rapport du sujet à sa jouissance pour le pacifier.

Tel autre entre au CPCT en se plaignant de n’avoir pas de « place », soit de travail. L’effet thérapeutique sera au rendez-vous, sans qu’il n’en pipe mot, après qu’il aura consacré son traitement à évoquer le rapport à sa compagne veuve et son refus d’occuper la place du mort. Ainsi, au-delà de « la profonde ambiguïté de toute assertion du patient, et du fait qu’elle a, par elle-même une double face[3] », c’est donc moins la plainte du sujet qui importe que la singularité de sa position subjective. Rien de prévisible, rien d’un CPCT universel ne peut s’en déduire, que du singulier et du contingent. C’est pourquoi les traitements au CPCT sont toujours de l’ordre du pari.


[1] Lacan J. « Les clefs de la psychanalyse », La Cause du désir, no 99, juin 2018, p. 49.

[2] Miller J.-A., « Psychothérapie et psychanalyse », La Cause freudienne, no 22, Paris, Seuil, 1992, p. 12.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, p. 12.

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