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Sens dessus dessous, sémantophilie & sémantophobie

Denis Brunelière, Consultant CPCT-Nantes

Dans Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie [1], Jacques-Alain Miller revient sur la question qu’il avait posée à Jacques Lacan pour Télévision en 1973 et qui concernait la différence entre psychanalyse et psychothérapie. Il propose alors deux réponses que Lacan n’a pas données à cette question.

Il commence par faire remarquer que Lacan aurait pu situer une certaine proximité entre les deux, puisque le simple fait d’écouter de façon régulière, prolongée et intime une personne est suffisant pour constituer l’écoutant en grand Autre. Une fois mis en position de grand Autre, sorte de “syndic de l’humanité”, la parole du praticien détient une puissance identificatoire. S’appuyant sur le graphe du désir, Lacan distingue la particularité du désir de l’analyste, qui relève d’une certaine abstention dans l’usage de ce pouvoir. Cette abstention elle-même ouvre la voie à l’étage supérieur du graphe où entrent en jeu les questions du désir et de l’appareillage de la jouissance.

Jacques-Alain Miller poursuit avec une autre réponse possible. S’appuyant cette fois sur la formalisation des discours, il souligne que le discours du maître est conforme à l’inconscient, que c’est même ce que l’inconscient réclame. Le sujet réclame une identification qui tienne le coup et il souffre si celle-ci lui fait défaut. Le psychothérapeute considère donc que l’urgence consiste à restituer cette précieuse identification, que c’est à cette condition seulement que le sujet pourra trouver sa place. Mais Jacques-Alain Miller souligne combien le soulagement qui peut alors être ressenti se paie d’une mise au rancart du fantasme.

S’ensuit le développement de la réponse effectivement donnée par Lacan : « La psychothérapie spécule sur le sens et c’est ce qui fait sa différence d’avec la psychanalyse [2] ». Celui-ci avait d’ailleurs recommandé de bien prêter attention à ce qu’il indiquait car « on croirait que le versant du sens est celui de l’analyse [3] ».

Pour que le sens se produise, il faut que le symbolique et l’imaginaire collaborent, le réel étant radicalement exclu. Lacan invitait plutôt à se méfier de l’amour du sens, du tourbillon de “sémanthophilie” comme il avait pu le nommer dans l’Étourdit [4] et prônait d’isoler dans le symptôme les signifiants – sans aucun sens – qui y sont pris.


[1] Cf. Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée & psychothérapie », La Cause freudienne, no 48, mai 2001.

[2] Ibid., p. 15

[3] Ibid., p. 15

[4] Lacan J., « L’Étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 494.


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