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Sujets responsables

Par Françoise Haccoun, Consultante CPCT-Marseille

Améliorer la position du sujet indique que le lieu où il se situe peut varier, se tordre d’un espace psychique à un autre, que la position du sujet n’est pas fixée et qu’elle a chance de se déplacer.  Encore faut-il s’en faire responsable. La responsabilité serait-elle la condition pour l’entrée dans le dispositif du CPCT ? Pourrait-on affirmer que « sans sujet responsable », pas d’amélioration possible du dit sujet ? Qu’entend-on par responsabilité dans ce cadre précis pour l’accueil du patient reçu au CPCT ? Un sujet est dit responsable de sa position par rapport à̀ quoi ?

Nous nous appuierons sur la formulation de Lacan, véritable pivot de la voie éthique de la psychanalyse : « De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables.[1] » Comment le clinicien orienté par Freud et Lacan s’en saisit-il pour lui et pour le patient qui lui prête son intime ? Le mot même de responsabilité inclut celui de réponse — du verbe latin respondere, se porter garant, répondre de. La responsabilité est ici la possibilité de répondre de soi-même.

Le CPCT s’oriente du discours analytique et mise sur le savoir inconscient. La découverte freudienne a déjà mis en exergue la responsabilité du contenu des rêves comme préalable. La réponse, sans détour, fixe l’enjeu éthique de la psychanalyse : « si j’avance pour ma défense que ce qui, en moi, est inconnu, inconscient, refoulé n’est pas mon « moi », alors je ne suis pas sur le terrain de la psychanalyse […] ce que j’ai renié en moi non seulement « est » en moi, mais également « agit » à l’occasion à travers moi [2]». La psychanalyse, pure ou appliquée à la clinique au CPCT, aurait comme visée de « tirer au clair l’inconscient dont vous êtes sujet[3] » ?

Jacques-Alain Miller revient sur cette formulation de Lacan qui éveille souvent tant de résistances. Ces mots donnent le ton pour notre clinique à partir du y être ou n’y être pour rien « Cela veut dire : tu lâches la vérité dans un lapsus, tu ne peux l’effacer, ce qui est dit est dit. Tu t’excuses sur ton inconscient ? « Ce n’est pas moi, c’est lui » ? Précisément, Freud enseigne que ton inconscient, c’est toi aussi [4] ». Il ne saurait y avoir ni effets thérapeutiques ni analytiques pour un sujet, tant qu’il s’imagine qu’il n’y est pour rien[5]  dans ce qui lui arrive. N’est-ce pas ce qui induit sa demande de s’adresser au CPCT ? C’est aussi une balise clinique solide pour un repérage diagnostique dans le singulier de chaque cas. « Il s’agit alors de savoir si je n’y suis pour rien est pardonnable, est décidé à se maintenir, à rester maçonné, ou bien si c’est bougeable, si on peut responsabiliser le sujet[6] ».

L’inconscient n’est pas déjà là, le sujet non plus. Il est à produire durant le traitement au CPCT par une tentative de repérage de sa position subjective. Attraper un signifiant ou un autre qui ait chance de libérer la jouissance incluse, permettrait d’améliorer la position du sujet laissant aussi le clinicien au CPCT responsable de son acte durant cette rencontre inédite et brève.


[1] Lacan J., « La science et la vérité », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 858.

[2] Freud S., « Quelques additifs à l’ensemble de l’interprétation des rêves », Résultats, idées, problèmes, vol. II, PUF , 1998, p. 147.

[3] Lacan J., « Télévision », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 543.                                                                               

[4] Miller J.-A., « Le pardon des offenses », La Règle du Jeu, 19 janvier 2015, publication en ligne https://laregledujeu.org/2015/01/19/18760/le-pardon-des-offenses/

[5] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Cause et consentement », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 25 novembre 1987, inédit.

[6] Ibid.

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