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Table d’orientation

Marie-Hélène Brousse

L’événement qui aura lieu à Marseille ce 1er avril 2023, date qui déjà en elle-même fait clin d’œil ou interprétation, comme il vous plaira, au sérieux des semblants, nous invite à « améliorer la position du sujet » et nous propose une distinction entre deux types d’effets, les effets thérapeutiques et les effets analytiques.

Dès 1964 cette distinction est mise au travail par Lacan dans l’Acte de fondation d’une École. Il y distingue en effet une section de psychanalyse pure et une section de psychanalyse appliquée, elle-même déclinée en trois sous-sections : doctrine de la cure et de ses variations, casuistiques, information psychiatrique et prospection médicale.

La fondation en 2003 par Jacques-Alain Miller d’une nouvelle catégorie d’institutions centrée sur la psychanalyse appliquée, le CPCT, ouvrit un champ clinique, politique et éthique nouveau à la psychanalyse. Depuis 2014 avec la création de la FIPA, chaque année, autour d’un thème différent, les praticiens de toutes les institutions de psychanalyse appliquée de l’Orientation lacanienne se réunissent. Face aux mutations de plus en plus rapides des liens sociaux contemporains, il s’agit de cerner et de nommer les incidences cliniques qu’elles ont sur les sujets. Contrairement à la psychologie et d’autres disciplines dans lesquelles le réel de la différence est abordé par la statistique, la psychanalyse n’envisage les sujets qu’au un par un : ils sont toujours écoutés dans leur irréductible singularité.

La pratique de la psychanalyse appliquée telle que les CPCT en font l’offre au tout-venant se différencie d’une cure analytique sur deux points. Le lieu : ce n’est pas un cabinet d’analyste. Le temps : le nombre de séances est toujours le même. Fixé donc à l’avance, la durée est cependant flexible puisque le patient peut organiser à sa guise le déploiement des séances.  

Le thème choisi pour ce 1er avril, Comment améliorer la position du sujet, met en évidence un binaire quant aux effets recherchés par les cures telles qu’elles se déroulent dans ce que je nommerai la structure CPCT. Portant sur l’efficacité, ce binaire met en tension la dimension du thérapeutique et de l’analytique. Permettez-moi une notation clinique personnelle. Lorsque, très jeune femme, je me suis orientée vers la psychanalyse ce fut sur une phrase lue chez Lacan qui précisément suscita en moi une indignation. Il y parlait de la guérison comme venant de surcroît, ou comme le fruit à la fleur. J’allais mal, je souffrais, ma demande était d’un apaisement de cette souffrance. Mais, l’inconscient commande, et après avoir lu les postfreudiens et les postfreudiennes, ce fut un analyste lacanien que je choisis. Pas de doute donc, l’analytique commande le thérapeutique. La question est : comment ?

Dans une cure, de quelque durée qu’elle soit, plusieurs objectifs s’accomplissent qui impliquent tous un traitement du langage par détachement du sens, lequel est sans conteste le mode de jouir le plus puissant chez les êtres parlants. Cette émancipation du sens, toujours commun quand bien même le sujet n’en a pas la perception, est obtenue de différentes façons, allant d’une simple répétition par l’analyste d’une phrase dite par le sujet qui l’entend alors autrement, à la coupure de la séance sur un signifiant maître surgi de la bouche du sujet dans ce qui peut ressembler à une conversation et qui n’en est jamais une. Lacan, distinguant plusieurs types de causes dans le texte La science et la vérité, montre que la cause dans l’orientation analytique est une cause « matérielle », terme auquel viendra faire écho, bien des années plus tard, le néologisme « motérialité ». La matière analytique, appliquée ou pure, reste la même. Un autre objectif peut être formulé comme la rencontre avec les choix d’un sujet en tant que tout choix est un choix forcé, c’est à dire implique une perte à laquelle le sujet doit consentir pour que, de cette perte, puisse surgir un gain quant au désir.

L’objectif central est la mise à nu d’une formulation, temporaire certes, de ce qui peut être nommé le symptôme organisateur du sujet. Ce symptôme, colonne vertébrale d’un être vivant atteint de la maladie du langage, est aux commandes et le restera, en prenant des formes différentes car il est polymorphe. Dégager la formulation du symptôme permet de s’orienter. Un travail mené dans un dispositif analytique trouve là sa fonction thérapeutique, sur le long terme quelque soit la durée du traitement.

Pour ajouter un dernier « comment », reste à mentionner ce qui rend possible toute psychanalyse, courte ou brève, didactique ou thérapeutique, en cabinet ou en institution, en France ou ailleurs : le transfert. Une passion pas tout à fait comme les autres, se déclinant de la haine à l’amour en passant par l’ignorance, passion que Lacan au début du séminaire Encore, nomme « je n’en veux rien savoir », qui, définition même de l’inconscient, place le savoir dans l’Autre.

Bref, au CPCT, on rencontre l’Autre, qui permet de se servir du thérapeutique pour atteindre l’inguérissable : s’améliorer autrement dit.  

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