Par Laurent Dupont
Que vient-on chercher au CPCT ? Ou dans une institution de la FIPA ? Un soulagement. Une amélioration de sa position, certainement. On y vient traiter une difficulté, une douleur, une incompréhension. On y rencontre une écoute singulière. Parler ça fait du bien, tout le monde le sait, cela est répété à l’envi. C’est un effet de la psychanalyse. Il y a une croyance généralisée que parler est une jouissance qui apporte satisfaction. Encore faut-il être écouté. D’où la multiplication de lieux d’écoute, de lieux où l’on parle, points écoute jeunes, points écoute parents, écoute victime, addiction, violence, cellules d’urgence médico-psychologiques… Parler et être écouté, c’est le binaire du soulagement. Effets thérapeutiques dit le sous-titre de la journée.
« L’élimination des symptômes de souffrance n’est pas recherchée comme but particulier, mais, à la condition d’une conduite rigoureuse de l’analyse, elle se donne pour ainsi dire comme bénéfice annexe. [1] » Voilà qui nous mène vers le second sous-titre : effets analytiques. Là, il ne s’agit plus d’écouter mais d’entendre : « Qu’on dise reste oublié derrière ce qui se dit dans ce qui s’entend. [2] » Distinguons alors écouter et entendre. Ce qui s’écoute est du côté de l’énoncé, ce qui s’entend est du côté de l’énonciation. La distinction énoncé et énonciation implique un au-delà de l’écoute. Au-delà, ne veut donc pas dire sans l’écoute, sans les énoncés mais entendre derrière. Derrière indique bien que le langage fait une barrière et si l’on regarde entre les jointures de la barrière, on voit des bouts de trucs derrière, parfois hors sens.
Il s’agit de faire signe à cet espace qui se glisse dans les énoncés. « À quel silence doit s’obliger maintenant l’analyste pour dégager au-dessus de ce marécage le doigt levé du Saint Jean de Léonard, pour que l’interprétation retrouve l’horizon déshabité de l’être où doit se déployer sa vertu allusive ? [3] » L’interprétation est la clé : déshabité de l’être, vertu allusive disent que l’interprétation n’est pas de sens, mais de signal. « Pas d’écoute sans interprétation » rappelait Jacques-Alain Miller. Cela fait alors passer l’écoute à l’entendre. Sa vertu allusive, nous donne une indication de l’enjeu de l’interprétation, elle n’est pas énoncé, elle est résonance et, de cette résonance, un sujet peut être surpris d’entendre ce qu’il a dit ; alors s’ouvre un autre champ possible de la rencontre avec son propre dit. L’interprétation opère dans la surprise un avant et un après reposant sur l’acte de l’analyste.
Venir au CPCT, c’est prendre le risque de rencontrer, au-delà de l’écoute et du soulagement, l’interprétation qui me fera rencontrer ce que je n’étais pas venu chercher, un bout d’énigme que je suis à moi-même, S1 que je pourrais, ou pas, mettre au travail mon inconscient. « Pour qu’il y ait Lieu Alpha, il faut et il suffit que s’installe la boucle par laquelle « l’émetteur reçoit du récepteur son propre message sous une forme inversée’’, le sujet se trouvant dès lors branché sur le savoir supposé dont il ignorait être lui-même le siège. [4] »
Cette journée, avec ce titre qui propose à la fois un how to : Comment améliorer la position du sujet ? et une ouverture : effets thérapeutiques et effets analytiques, les distinguant donc, nous propose de saisir les enjeux de ce passage de la demande adressée à l’Autre du savoir comment améliorer, vers le sujet supposé savoir entendre quelque chose au-delà de l’énoncé, dans l’énonciation.
[1] Freud S., « Psychanalyse » et « Théorie de la libido », Résultats, idées, problèmes, vol. II, Paris, PUF, 1987, p. 69.
[2] Lacan J., « L’Étourdit », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 449.
[3] Lacan J., « La direction de la cure et les principes de son pouvoir », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 641.
[4] Miller J.-A., « Vers PIPOL 4 », Mental, no 20, 2008, p. 187.