Par Claudine Valette-Damase, Présidente du CPCT Clermont-Ferrand
« L’analyse, c’est le poumon artificiel grâce à quoi
on essaie d’assurer ce qu’il faut trouver de jouissance
dans le parler pour que l’histoire continue. [1] »
L’orientation de la psychanalyse est la théorie d’une pratique, non l’inverse. Cela pousse à questionner la clinique à la fois thérapeutique et analytique du CPCT, ce dispositif a minima où brièveté et gratuité du traitement se conjuguent.
Dans le temps présent, bien au-delà de l’assistance sociale, des soins médicaux, l’écoute s’est généralisée jusqu’à devenir un objet de consommation courante de la psychothérapie de masse qui vise l’harmonie avec comme effet délétère, un individu déboussolé.
Le CPCT s’offre comme lieu d’accueil et d’interprétation du « ça ne va pas » de chaque être parlant qui s’y adresse et ceci avec la boussole du discours analytique qui fait mouche avec les mots et leur équivoque d’en prendre appui sur le symptôme.
La particularité de ce discours est de s’orienter du réel élucidé par Jacques Lacan en tant que ce qui ne va pas et qui n’ira jamais. Il définit la pratique analytique ainsi : « le réel en tant qu’il est impossible à supporter [2] ». Dans Le triomphe de la religion, il indique que « Ce qui marche c’est le monde [3] ». Le discours analytique est le seul discours qui ne vise pas à affranchir l’homme du réel.
Au CPCT, la première consultation menée par un psychanalyste est le moment décisif du traitement à venir. C’est le lieu où le sujet accueilli est invité à dire ce qui ne va pas. Il n’est pas rare d’y entendre des personnes reçues dire qu’elles n’avaient jamais parlé ou qu’elles n’avaient jamais été écoutées ainsi. Quelque chose donc, de façon fulgurante, vient gripper le discours courant. Dans ce premier moment, le sujet qui consent à la mise en jeu de la parole, y découvre une parole hors de l’usage commun, hors du temps, hors de toute norme et de tout conformisme qui vient scander la routine.
Dans cette première consultation, l’analyste, lui, s’attache à repérer dans ce que dit le sujet ce qui peut le déterminer et aussi, les aspérités de la langue faites de répétitions d’un mot, d’une expression, d’un mot qui manque, de la bizarrerie d’un autre, d’une phrase suspendue, d’un trébuchement dans lalangue, d’une incohérence qui accroche l’oreille, d’une sonorité incongrue, d’un lapsus, d’un raclement de gorge, d’une modification de tonalité, d’un étonnement…
C’est à partir d’un détail que l’inconscient affleure et que le pari du traitement se décide. Ce dernier, réalisé par un praticien orienté par le réel, cherche à améliorer la position du sujet pour que sans illusion l’histoire continue, combinant effets thérapeutiques et analytiques.
[1] Lacan J., « Déclaration à France culture 1973 », La Cause du désir, no 101, mars 2019, p. 13.
[2] Cf. Lacan J., « Ouverture de la Section clinique », Questions et réponses, texte établi par J.-A. Miller, Ornicar ?, no 9, avril 1977, p. 7-14.
[3] Lacan J., Le triomphe de la religion précédé de Discours aux catholiques, Paris, Seuil, p. 76.