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Un petit écart

Par Andrea Orabona, Consultante au CPCT-Paris

En psychanalyse, l’amélioration de la position du sujet ne vise pas son « bien-être ». Comment entendre cette proposition qui peut sembler paradoxale ?

Selon la définition du dictionnaire, le bien-être serait « un état agréable résultant de la satisfaction des besoins du corps et du calme de l’esprit ». Les méthodes promues par le marché contemporain pour arriver à cette harmonie rêvée sont hétéroclites. Elles vendent l’idéal commun de retrouver la santé mentale, ce paradis perdu. Lacan nous avertit : « La psychologie est véhicule d’idéaux […] L’idéal est serf de la société. Un certain progrès de la nôtre illustre la chose, quand la psychologie ne fournit pas seulement aux voies, mais défère aux vœux de l’étude de marché [1] ». La société est un maître exigeant, qui prône le bien-être pour tous.

L’orientation de la psychanalyse est radicalement autre. « Ce qui s’oppose à la santé mentale et à la thérapeutique censé y ramener, c’est […] l’appareil du désir qui est singulier pour chacun [2] » note Jacques-Alain Miller. Il ajoute : « C’est une propriété fondamentale du parlêtre, la cause de son désir tient toujours à une rencontre […]. La jouissance n’est pas programmée dans l’espèce humaine [3] ». Voilà qui est incurable chez l’être qui parle et est parlé. Dès lors, la promesse de l’harmonie est vaine. La psychanalyse c’est « le droit d’une déviance qui ne se mesure à aucune norme [4] ». Si la position du sujet se détermine dans le rapport premier à cette jouissance rencontrée [5], l’améliorer ne serait-ce pas tout d’abord se décaler du pour tous vers le singulier ?

Quand quelqu’un s’adresse au CPCT-Paris, il est invité à préciser les coordonnées de ce qui a précipité la demande de parole. L’enjeu est de cerner le point de réel dont la rencontre provoque une discontinuité dans la vie du sujet. Inviter à bien dire ce qui a fait évènement fait surgir des signifiants singuliers. Couper, scander ou souligner, visent à isoler ces signifiants. Le sujet peut alors les lire autrement. Ces opérations sont à manier avec tact, car le traitement est bref. Elles ne visent pas le bien-être du patient, mais un gain de savoir sur un dérangement singulier.

À rebours des promesses de bien-être, le discours analytique mise sur le bien-dire pour isoler la mauvaise rencontre avec un réel. Cela introduit un petit écart, un desserrage d’avec la langue de l’Autre qui ouvre une voie vers l’amélioration de la position du sujet.


[1] Lacan J., « Position de l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 832.

[2] Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Choses de finesse en psychanalyse », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, cours du 19 novembre 2008, inédit

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Cf. Miller J.-A., « Une lecture du séminaire D’un Autre à l’autre », La Cause freudienne, no 66, 2007. Consultable en ligne : https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2007-2-page-51.htm

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