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Une demande et sa circonstance

Par Anaëlle Lebovits-Quenehen

Le thème mis au travail lors de la prochaine journée FIPA, « Améliorer la position du sujet », avec son sous-titre « effets analytiques, effets thérapeutiques » invite à se pencher sur la conjonction et la disjonction entre les effets analytiques et les effets thérapeutiques obtenus dans les lieux alpha [1]. Effets thérapeutiques et effets analytiques sont en effet à distinguer, même s’il apparaît tôt, et pour ainsi dire dès l’invention de la psychanalyse, que des effets thérapeutiques découlent des effets analytiques. Les premiers s’ajoutent aux seconds, comme la jeunesse à la fleur ou le plaisir à l’acte chez Aristote.

Un traitement gratuit, mais de durée limitée, comme c’est bien souvent le cas dans les institutions de la FIPA, ne constitue pas le cadre classique d’une analyse. Pour autant, Jacques‑Alain Miller nous l’indique : « Les effets psychanalytiques ne tiennent pas au cadre, mais au discours, c’est-à-dire à l’installation de coordonnées symboliques par quelqu’un qui est analyste, et dont la qualité d’analyste ne dépend pas de l’emplacement du cabinet, ni de la nature de la clientèle, mais bien de l’expérience dans laquelle, lui, s’est engagé. [2] » Le cadre ayant ainsi essentiellement trait au discours dans lequel un praticien analysé et orienté par la psychanalyse installe le sujet qui s’adresse à lui, des effets analytiques s’y produisent bel et bien.

J’en relèverai un qui me semble déterminant dans bien des traitements : celui qui consiste à isoler très précisément la circonstance dans laquelle un sujet demande à venir rencontrer un psychanalyste. Ce point essentiel est celui que nous pouvons considérer comme le point impossible à supporter, autrement dit le point de réel que le sujet a rencontré et auquel il ne parvient pas à faire face, fut-ce au prix d’une exacerbation, d’un emballement de ses symptômes. Il est d’autant plus crucial de le cerner avec une précision que seul le bien-dire permet, qu’il arrive qu’il soit insaisissable comme tel dans le discours du patient.

Il est fréquent en effet qu’un sujet vienne consulter pour une série de symptômes, eux très identifiables, mais qui ne sont pourtant que les effets de ce point qui a sombré dans le refoulement, le déni, ou la forclusion. Quel que soit le mode de refoulement, c’est ce point qui fait retour dans l’exacerbation de symptômes parfois sévères – et en tout cas assez gênants pour qu’une aide inédite soit sollicitée. L’orientation lacanienne est dite « vers le réel » au sens où c’est le réel qui l’oriente et permet au praticien de ne pas céder sur ce repérage. Et pourquoi cela ? Parce que les symptômes pour lesquels un sujet vient consulter, s’ils sont là depuis un moment parfois, ne suscitent une demande que parce qu’ils ont pris une consistance différente, une intensité qui les rend intolérables, dimension qui peut aller jusqu’à s’étendre à tous les domaines de la vie, voire à l’existence elle-même.

Le réel en jeu, celui qui alimente les symptômes et la plainte du patient, il n’est pas rare qu’il se fasse oublier derrière d’autres plaintes — travail, couple, etc. — alors même qu’il ne s’y loge que secondairement. Ce repérage est proprement analytique, et il faut pouvoir en faire l’hypothèse pour avoir chance de le distinguer comme tel. Il a néanmoins des incidences thérapeutiques décisives, au sens où il permet une redistribution de la libido plus conforme au désir singulier du sujet.

Son repérage participe ainsi à « améliorer la position du sujet » en ce qu’il renoue vérité et réel, et cela avec des effets thérapeutiques obtenus de surcroît. L’analyste peut faire l’hypothèse que ce point de réel existe et qu’il ne réside pas nécessairement dans les plaintes explicites du sujet qui s’adresse à lui, sachant pourtant que seul son patient peut lui en apprendre les coordonnées et, dès lors tirer les conséquences de ce repérage.

Ainsi ne se contente-t-il pas de faire une place au sujet qui se présente à lui, ni de l’écouter, encore faut-il qu’il lui réponde et, en l’espèce, les questions qui lui sont adressées peuvent bien avoir valeur de réponse. Disons que ce repérage permet qu’un savoir insu émerge, qui tient au transfert autant qu’il contribue à son instauration. « Il n’y a Lieu Alpha qu’à la condition que, par l’opération de l’analyste, le bavardage se révèle contenir un trésor, celui d’un sens autre qui vaut comme réponse, c’est-à-dire comme savoir dit inconscient. Cette mutation du bavardage tient à ce que nous appelons le transfert, qui permet à l’évènement interprétatif d’avoir lieu, l’évènement interprétatif qui partage un avant et un après, comme nous disons classiquement. [3] » C’est l’un des points que la prochaine journée FIPA mettra en exergue dans ce repérage nécessaire entre des effets analytiques et des effets thérapeutiques en ce qu’ils participent tous deux à améliorer la position du sujet.


[1] Cf. Miller J.-A., « Vers PIPOL 4 », Mental, no 20, 2008, p. 185-192.

[2] Ibid., p. 186.

[3] Ibid., p. 187.

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